Les Inrockuptibles

Michel Delpech

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Après mon premier disque (Hugues Aufray), je me suis mis à écouter le hit-parade à la radio. Il y a eu une période où j’aimais ça d’un coeur sincère, et puis, à 15 ans, je me suis mis à écouter du rock et, comme tout le monde, je suis devenu un peu prétentieu­x en reniant la chanson française. En réalité, je continuais secrètemen­t à en écouter. Il faut bien reconnaîtr­e que la chanson française était de qualité inférieure, mais il y avait quand même des trucs. Cette chanson de Delpech est encore une chanson-roman, mais versifiée comme je ne l’ai jamais vu, même chez Claudel. Comme Claudel, d’ailleurs, c’est du vers très long mais c’est un verset non poétique. Eric Zemmour considère Les Divorcés comme le chefd’oeuvre de Delpech, je m’inscris en faux. Les Divorcés est très bien mais Ce lundi-là est beaucoup plus fort.

Ce lundi-là (1975)

En l’écoutant, je savais que c’était beau mais j’ignorais pourquoi. Le malaise des cadres, qui est le sujet de la chanson, c’est quelque chose qui m’échappait totalement à l’époque, et pourtant ça annonçait Extension du domaine de la lutte sans évidemment que je m’en rende compte. Mon passage préféré est “Il revoyait encore la Brasserie des Trois Dauphins/ Où ses amis l’attendraie­nt demain de midi à deux heures.” La Brasserie des Trois Dauphins, on ne sait pas si elle existe, mais lorsqu’on entend Delpech, elle existe de toute façon. La grande question pour moi, c’est “pourquoi n’ai-je pas écrit des trucs comme ça ?” C’est vraiment ce que j’aurais dû faire. En revanche, je suis quand même chanceux car les trois grands chanteurs de l’époque, Delpech, Sardou et Polnareff, se prénommaie­nt tous les trois Michel. C’est dire à quel point j’étais au top.

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