Brexit : l’empire du côté obscur ?
Une classe politique fragilisée, des velléités séparatistes en Ecosse et en Irlande, un fossé entre les générations et les classes sociales qui s’est creusé : la victoire du “leave” et du repli sur soi laisse le Royaume-Uni exsangue et, surtout, sans pers
You’ll never walk alone” (“Tu ne marcheras jamais seul”)… La nuit du dépouillement des votes au référendum pour ou contre le maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne, on a croisé à Paris une troupe de supporters de Liverpool chantant à s’en arracher les amygdales et quelques larmes cet hymne absolu à la solidarité… Pendant ce temps, en Angleterre, se précisait l’impensable verdict, après quelques mois d’une campagne sournoise et extrême – jusqu’à l’assassinat de la jeune députée travailliste Jo Cox.
Le Royaume-Uni a décidé de marcher seul. La population, contre toute attente sérieuse, a préféré le vertige du chaos à la sécurité du statu quo. Les conséquences, ne serait-ce qu’internes, seront profondes. La radicalité de la campagne, qui a dressé deux visions de l’Angleterre l’une contre l’autre, les jeunes contre les aînés, les grandes villes contres les petites villes et villages, empêchera toute union sacrée pour des années. On n’avait jamais ressenti un tel niveau de haine, de crispation, d’irrationalité dans une campagne politique anglaise, même dans celles mettant en scène Margaret Thatcher.
Sans parler de l’Europe, le Royaume-Uni lui-même est déjà menacé. L’Ecosse, qui a voté massivement contre le départ, réclame déjà un nouveau référendum pour décider de sa souveraineté, de sa scission avec le Royaume-Uni et de son rattachement à l’Europe. Au pays de Galles, pourtant sous perfusion européenne, on a majoritairement voté pour le Brexit. L’Irlande du Nord a, elle, voté contre et des voix s’y élèvent déjà pour demander un rattachement avec l’Eire voisine – car a ressurgi la crainte des violences sectaires entre républicains et unionistes.
Ce n’est pas vraiment l’Anarchy in the UK telle que le beuglaient les Sex Pistols en 1977, mais c’est sans doute l’événement le plus important auquel le Royaume-Uni devra faire face depuis la Seconde Guerre mondiale. Et après avoir parlé à des politiciens de tous bords, mais aussi des économistes, des think tanks, des décideurs, ce qui sidère dans ce vote est à quel point personne ne semble l’avoir anticipé, planifié, étudié. Comme si le résultat du référendum était une fin en soi, et non le début d’une route longue, tortueuse et incertaine.
L’effondrement spectaculaire de la livre sterling, l’affaissement quantifié du PIB par les meilleurs économistes ne seront que les premiers des effets secondaires de cette jacquerie sans précédent en Europe. Effarés par les conséquences de leur votesanction, de nombreux partisans du “leave” demandent déjà un référendum de rattrapage, estimant qu’on ne les avait pas suffisamment informés de l’importance de leur vote. Ils ont même un signe de ralliement : “Bregret. What next?”
Personne ne semble en mesure de répondre avec autorité et certitude à cette question. Les tabloïds, bien entendu, apportent des réponses : simplistes et dérisoires, comme cette une du Sun qui, le lendemain du référendum, plastronnait “Independence Day”