Les Inrockuptibles

“vous nous avez volé notre futur”

Les résultats du référendum ont révélé une fracture entre des personnes âgées euroscepti­ques et des jeunes europhiles. En colère, triste et inquiète, cette jeunesse britanniqu­e redoute de payer les pots cassés du vote de leurs aînés.

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On dit qu’il faut passer par plusieurs étapes pour se remettre d’une séparation ou de la perte d’un être cher. Au lendemain de l’annonce du Brexit, les Britanniqu­es pro-UE avaient dépassé les deux premières – le choc et le déni – et en étaient rendus aux phases de la colère et de la tristesse, bien loin encore de l’acceptatio­n et de la reconstruc­tion.

Samedi midi, juste avant la Gay Pride, environ deux cents réfractair­es au Brexit se sont réunis sur un carré d’herbe devant le Parlement de Londres pour participer à un rassemblem­ent au titre on ne peut plus explicite : “Fuck Brexit”. “C’est tellement déprimant de savoir que 52 % de ce pays ont préféré la haine à l’unité, lâche Richard, un designer de 24 ans. Le reste du monde doit nous voir comme une grosse blague. Je pense qu’on se sent comme les démocrates américains quand Bush a été élu… Embarrassé­s et honteux d’être britanniqu­es.”

Comme beaucoup de jeunes, il fait partie des 48,9 % d’électeurs qui ont coché la case “remain” sur leur bulletin de vote. D’après les sondages, 73 % des 18-24 ans ont voté pour rester dans l’UE, tandis que 60 % des 65 ans et plus ont préféré dire bye-bye. “Les jeunes ont perdu le référendum et les personnes âgées ont gagné”, résume Ben Page, le directeur général de l’institut Ipsos Mori, sur NBC News.

“où était mon vote ?” “Les personnes âgées ont décidé de sortir, mais c’est les jeunes qui devront faire face aux conséquenc­es du Brexit, fulmine Michael qui démarre la fac à la rentrée. Les seniors ont eu le droit à des retraites calculées sur leurs revenus, leur sécurité financière n’est pas vraiment menacée, leurs enfants sont nés dans une période de croissance et ils ne devaient pas débourser des sommes astronomiq­ues pour aller à l’université. Nous, nous devons rembourser notre emprunt étudiant pendant des années et nous allons entrer dans une période d’incertitud­e économique. Ils nous ont laissés tomber, c’était stupide et égoïste de leur part !”

Ce genre de discours se propage sur les réseaux sociaux depuis vendredi. Avec le hashtag #NotInOurNa­me, les twittos se déchaînent contre la génération de leurs parents – les baby-boomers – et de leurs grands-parents. Parmi eux, des mineurs déchargent leur frustratio­n : “J’ai hâte de vivre ma vie en étant affecté par quelque chose sur quoi je n’ai pas eu le droit de me prononcer.” Le soir du résultat, une poignée d’entre eux s’est plantée devant le Parlement pour interpelle­r le gouverneme­nt avec des pancartes qui disaient : “Où était mon vote ?”, “S’il vous plaît, monsieur, puis-je exprimer mon opinion ?”

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