Meurtre en trois actes
Cluedo à la Comédie-Française, avec les comédiens de la maison. Un téléfilm d’un grand intérêt documentaire.
Téléfilm de Claude Mouriéras. Mercredi 29, 23 h, France 2
Comme jadis “Monsieur Le Trouhadec saisi par la débauche” (Jules Romains), la Comédie-Française s’encanaille, délaissant le cadre régulier du théâtre pour le monde séculier du cinéma. Après la série de pièces avec la troupe tournées en décors naturels et diffusées sur Arte, les comédiens du Français jouent au Cluedo dans leurs locaux mêmes. Claude Mouriéras a imaginé que les éventuelles inimitiés internes se cristallisent dans un whodunit policier situé dans l’immeuble du Théâtre-Français.
Un Cluedo, mais sans enquêteur à la Hercule Poirot ou Miss Marple. Une actrice a été assassinée dans sa loge. La coupable est-elle sa rivale, qui lorgnait le rôle de Phèdre qu’elle lui avait ravi ? S’ensuit une série de crimes sanglants que tente de déchiffrer un couple de flics pas spécialement inspirés. Rien de renversant, si ce n’est cette intrusion originale réussie dans le saint des saints de l’art dramatique.
Outre les rebondissements de l’enquête, et le fait que les pensionnaires ou sociétaires incarnent soit des comédiens soit des personnages extérieurs (policiers ou psychologue), la vraie bonne idée a été d’intégrer le fonctionnement réel du théâtre au récit. Une dimension documentaire se greffe donc à la fiction. Comme par exemple le fait que les acteurs eux-mêmes décident chaque année du départ de l’un d’entre eux. Est aussi amplement exploitée la topographie, du sous-sol aux combles, des coulisses à la scène.
Certes, on ne frémit guère. Pas de figure angoissante style Belphégor ou fantôme de l’Opéra. Le plus réussi se résume à des scènes intimistes. Par exemple : les entretiens semi-cocasses de plusieurs comédiens avec le psychologue, incarné par Denis Podalydès, dans la cave où on lui a improvisé un petit bureau. Au bout du compte, ce parcours et ce ton semidocumentaire confèrent une grande proximité avec les comédiens, et peut donner l’envie d’aller les découvrir en chair et en os sur les planches. Vincent Ostria