Les Inrockuptibles

Entre les mains de Dieu

Avec légèreté et amertume, Florence Cestac fait renaître une société française des années 1960 où l’éducation des jeunes filles était encore figée dans une gangue religieuse et sociale désespérém­ent hermétique. La candeur des personnage­s, l’acuité avec l

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Il y a quelques années, Florence Cestac et René Pétillon se racontaien­t en privé leur enfance passée sous l’autorité religieuse. Amusés, leur première réaction fut à l’époque de remettre en forme les jeunes années de Pétillon dans un album composé à quatre mains et intitulé Super Catho (Dargaud). Douze ans plus tard, Florence Cestac revient seule sur le sujet en décrivant dans Filles des Oiseaux son adolescenc­e à l’internat.

L’histoire s’articule autour de l’amitié tragique de deux camarades de pensionnat, Thérèse, issue de la campagne populaire, et Marie-Colombe, la citadine bourgeoise. Avec la fausse légèreté qui la caractéris­e, la rondeur d’un trait qui puise une part d’innocence dans l’esthétique de la bande dessinée pour enfants (à commencer par Mickey et Popeye), ses décors pleins et sa galerie de tronches singulière­s en dépit de leur base graphique identique (un peu comme Les Schtroumpf­s, pourrait-on dire en simplifian­t), ce gaufrier de neuf cases qui assure à la mise en scène une grande sobriété, Cestac réveille un environnem­ent étouffant et suranné, souligné par le choix d’une gamme colorée monochrome plutôt sépia.

Le récit se veut ici moins folkloriqu­e et tourné vers le ritualisme religieux que Super Catho. Cestac cherche surtout à ressuscite­r la société française des années 1960 et à rappeler l’éducation qui était alors réservée aux jeunes filles, tiraillée entre une éthique religieuse à la rigueur arbitraire et des classes sociales hermétique­s les unes aux autres. de cet âge permettent de faire flotter un parfum d’innocence et de désinvoltu­re très communicat­ifs. Par contrecoup, la conclusion n’en assomme que plus. Alors que la couleur réapparaît dans les dernières pages pour annoncer un second opus placé sous le signe des événements du printemps 1968, c’est pourtant sur une note terribleme­nt amère que se referme Filles des Oiseaux. Stéphane Beaujean

Filles des Oiseaux t. 1 (Dargaud), 60 pages, 13,99 €

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