“ils ne sont pas dans la posture traditionnelle de résistance. Au contraire, ils veulent changer le monde, ils sont offensifs”
Charlie Winter, expert en propagande jihadiste
Capture d’écran d’une exécution mise en scène dans les studios de Daech où la victime est vêtue de la tenue orange que portent les prisonniers de Guantánamo avec celles qui proviennent de films américains, de jeux vidéo ou de téléréalité ponctuent le documentaire. Et les témoignages qui précèdent (l’un d’eux déclare que les combattants avaient regardé les films Saw) et qui suivent cette déclaration ne font que la valider.
On y voit par exemple un extrait du film diffusé quelques jours après les attentats du 13 novembre, Paris s’est effondré, qui montre la chute de la tour Eiffel, copie exacte d’un extrait du film G.I. Joe – Le réveil du Cobra (2009). Une séquence de combat capturée grâce à une caméra GoPro y est aussi comparée à un extrait du jeu Call of Duty et rappelle, par ailleurs, deux plans d’Elephant de Gus Van Sant (2003). Comme les tueurs de Columbine, les jeunes militants de Daech souhaitent tout simplement passer de l’autre côté de l’écran. Et c’est ce que cette propagande leur promet : bien avant le paradis, c’est la notoriété qu’offrira la participation au jihad. Faire le jihad, leur dit-on, c’est être à la fois participant d’une émission de téléréalité sordide, acteur principal dans un blockbuster d’aventures et personnage toujours vainqueur d’un jeu vidéo.
La fin donne le tournis : Daech se nourrit littéralement d’Hollywood qui à son tour commence à les mettre en scène (voir les extraits de la saison 4 de House of Cards, montrés dans le documentaire) dans un cercle vicieux et infernal dont on ne semble pas voir pointer la fin. Les experts s’accordent à dire que cette propagande reflète un phénomène générationnel. Elle parle le langage des jeunes qu’elle vise en tout premier lieu. Les jihadistes sont des e-natives nés dans cette pop culture qu’ils utilisent maintenant contre “nous”. Mais ce recours constant au calque, à la citation d’autres films – autre signe générationnel ? –, cette dépendance à un Occident qu’ils prétendent vouloir détruire révèlent surtout un mouvement à court d’idées. Révolutionnaire, Daech ? Le Studio de la terreur dit tout autre chose et donne plutôt une sombre impression de déjà-vu.
Le Studio de la terreur d’Alexis Marant, le 20 septembre, 20 h 50, Canal+