Les Inrockuptibles

Blood Moon

M Craft Lente et patiente, la musique apaisante d’un grand voyageur. Voyage intérieur, surtout.

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QHeavenly/Pias Coop uand t’es dans le désert depuis trop longtemps…”, chantait autrefois Jean-Patrick Capdeviell­e qui, ancien critique rock, signait là sans le savoir la chronique du troisième album de M Craft. Le désert des Mojaves, ses cabanes en rondins, ses poussières, ses crotales : c’est là, dans les clairs de lune et d’étoiles parmi les plus aveuglants que l’on connaisse, qu’a été conçu, patiemment, Blood Moon.

Attendu depuis huit ans, cet album est résolument l’oeuvre d’un grand voyageur. Cet Australien, proche de Jarvis Cocker comme de Peter Walsh des Apartments, a ainsi été formé par une jeunesse étalée entre ses Antipodes natals, Londres et la Californie. Mais son plus long et passionnan­t voyage est ici intérieur : grand album introspect­if, où le temps a servi de filtre, de gomme, de révélateur, Blood Moon propose les versions largements épurées, purgées, de chansons complexes.

A la Talk Talk, à la Blue Nile, elles entassent lourdement les couches de silences, les non-dits, les creux. Producteur, hommeorche­stre, designer, songwriter, forgeron de bruits calmes et chanteur translucid­e, l’Australien et son piano cosmique inventent ainsi une zone libre et franche, étalée en toute luxuriance entre les pièces monacales de Max Richter et les torch-songs délavées de James Blake.

C’est de la pop-music, mais au bord de l’abandon, aux frontières du sommeil radieux. Minimales dans l’exécution mais fastueuses dans les intentions, ces chansons suggèrent plus qu’elles ne disent, avec le risque de passer pour futiles, amorphes ou traîne-la-mort sur une écoute bâclée, pressée. Mais il faut laisser le temps à Blood Moon, Chemical Trails ou Where Go the Dreams pour révéler leur grandeur.

“Quand t’es dans le désert…”, disait la chanson. Ce à quoi M Craft répond en évoquant l’aspect “indicible, impossible du silence du désert… Le frémisseme­nt du vent dans un arbuste, le battement des ailes d’un corbeau au loin… Tout y devient éclatant, important, musical…” Cette musique contemplat­ive, ces haïkus de symphonies n’ont pas perdu une miette de ce vacarme à peine audible. JD Beauvallet

mcraftmusi­c.com

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