Sacrées vaches

Dans son tout premier texte, l’acteur et metteur en scène Clément HervieuLéger raconte une légende familiale et signe un monologue sensible, comme une dédicace à l’innocence.

Trois vaches et deux taureaux sont dans un bateau… Une histoire qui fait rêver les enfants. De celles qu’on ne se lasse pas d’entendre, surtout quand c’est votre grand-père qui la raconte, même pour la énième fois, au coin d’un feu de cheminée ou lors d’un repas de fête.

On savait Clément Hervieu-Léger acteur et metteur en scène au théâtre et à l’opéra. On le découvre faisant ses premières armes d’auteur avec Le Voyage en Uruguay. Au fil d’un récit digne de Mark Twain et des Aventures d’Huckleberry Finn, c’est à travers le regard émerveillé de l’enfant qu’il était que le pensionnaire de la ComédieFrançaise nous entraîne dans son monde : une ferme en Normandie où débarque un jour un propriétaire uruguayen désireux d’implanter la race des vaches normandes sur les territoires de sa lointaine pampa.

Mise en scène par Daniel San Pedro et interprétée par Guillaume Ravoire, la saga de la traversée de l’océan par les cinq bêtes à cornes est un petit bijou ciselé avec des mots simples, où la pureté des sentiments le dispute à l’innocence de l’épique. Ces tribulations se font en train jusqu’à Rotterdam, puis sur le pont d’un cargo qui, après avoir passé l’équateur et s’être arrêté pour une escale à Recife, accoste enfin sur un quai à Montevideo. Une relecture amusante du journal de bord tenu par le cousin Philippe, l’homme de confiance missionné par le grand-père pour amener le troupeau à bon port, gérer le fourrage, le fumier et quelques imprévus… comme la naissance d’un veau.

C’est dans l’étable modèle de la ferme de son grand-père (aujourd’hui déserte) que Clément Hervieu-Léger a installé sa compagnie. Le temps d’un spectacle, ce retour aux sources permet de redonner vie à ces chers fantômes du passé pour leur offrir cette délicate heure de gloire sous les feux de la rampe. P. S.

Le Voyage en Uruguay de Clément HervieuLéger, mise en scène Daniel San Pedro, avec Guillaume Ravoire, jusqu’au 15 octobre au Théâtre du Lucernaire, Paris VIe, lucernaire.fr