Marseille en capitale
En attendant d’accueillir la prestigieuse biennale Manifesta en 2020, la deuxième ville de France a confirmé sa place à l’épicentre de l’art européen avec le salon international Art-O-Rama.
Marseille, dernier week-end d’août. Malgré l’ivresse opaque de la chaleur de midi, quelques quidams font le pied de grue. Postés sur leur bout de trottoir, ils semblent attendre quelque chose. Un homme arrive, portant à bout de bras deux sacs en plastique. Impassible, il dispose des draps au sol et commence à déballer sa marchandise. Une vente clandestine comme une autre dans le quartier nord de Belsunce ? Presque : une expo à la sauvette du galeriste Arnaud Deschin, également présentée comme une performance (dite de “l’Incrustator”), rassemblant les dessins de quinze jeunes artistes. Une heure après, tout est plié. On le recroisera plusieurs fois, rôdant aux abords de la foire Art-O-Rama, où la scène se reproduira. Son geste, explique-t-il, est né de la débrouille, parce qu’il n’a pas réussi à obtenir les autorisations pour le lieu prévu, mais peut aussi se lire comme un commentaire sur le “contexte sécuritaire actuel où les grands-messes artistiques sont sous haute protection”.
La grand-messe, Art-O-Rama en est pourtant assez loin. Non pas que le rayonnement international lui fasse défaut, puisque sur les vingt-et-une galeries présentes cette année, plus de quatorze étaient étrangères. Cependant, son attrait et sa qualité proviennent précisément de son attachement à un territoire, Marseille, qu’elle cultive depuis dix ans déjà. “En termes artistiques, Marseille est à Paris ce que Los Angeles est à New York”, avance le galeriste angeleno François Ghebaly, dont c’est la deuxième participation à la foire. “C’est l’antithèse des grands raouts comme la Fiac, poursuit-il. Tout en s’appuyant sur un groupe de collectionneurs dédiés, l’ambiance est beaucoup plus décontractée.”
On s’en aperçoit en faisant un tour chez le voisin, la galerie parisienne Joseph Tang. “J’ai pensé mon stand comme une table de camping, s’amuse ce dernier. Je présente des oeuvres de quatre de mes artistes, Adam Cruces, Pepo Salazar, Julie Béna et Sean Bluechel : des natures mortes, des chaises et des céramiques.” L’an passé, le Bellevillois Antoine Levi allait même jusqu’à présenter, en guise d’oeuvres, les lettres d’excuse des parents des artistes, détaillant par le menu pourquoi leur rejeton n’allait pas pouvoir être présent.
Alors bien sûr, on sourit, mais il y a plus. L’esprit frondeur de ces galeries jeunes et pointues (et des nombreux événements qui gravitent autour de la foire, comme l’Incrustator) n’est pas uniquement dû à la reprise indolente de la saison. S’y reflète également l’ambition des acteurs du art game local de se poser en alternative