Les Inrockuptibles

Révolution dans les bulles ?

Les meilleurs champagnes sont aujourd’hui produits par des vignerons indépendan­ts qui traitent ce breuvage comme du grand vin. Et les résultats sont là. O. J.

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Aforce de boire dans des verres en plastique de tristes breuvages souvent tièdes qui se ressemblen­t tous, avec pour résultats d’innombrabl­es barres au front, des cures de Gaviscon à la chaîne et un cumul d’émotions positives à peu près égal à zéro, comment croire encore en la première boisson festive française ? Malgré sa puissance économique – près de 300 millions de bouteilles et environ 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel –, le champagne, souvent, nous ennuie. Au point de ressembler à un sédiment balbutiant du chic à la française.

Comment le revivifier ? C’est la question que se sont posée il y a déjà plusieurs années quelques pionniers, relayés par une génération de vignerons dont la vision n’a rien à voir avec celle des “grandes” maisons historique­s. Les champagnes old school, produits à partir de vignes shootées aux pesticides, avec des raisins souvent cueillis avant maturité, ultrariche­s en sucre ajouté (“Des camions entiers de sucre arrivent chaque année à Reims et ses environs, pour des champagnes écoeurants”, balance Cyril Bordarier, patron du Verre Volé à Paris), ne font plus rêver.

Les nouveaux faiseurs de bulles travaillen­t souvent un seul type de cépage – par exemple le chardonnay –, sur des parcelles uniques, et utilisent pour certains des méthodes ancestrale­s comme le labour. “On trouve beaucoup de vignerons bio maintenant en Champagne, un courant de trentenair­es, quarantena­ires, qui ont pris une autre route”, confirme Bordarier.

Ancien du triple étoilé l’Astrance, le sommelier Alexandre Jean se réjouit d’un changement de vocabulair­e : “Avec eux, on parle de vin de Champagne et non plus simplement de champagne. L’évolution est en cours depuis dix ans environ, avec de jeunes gens ayant repris l’activité de leurs parents, qui étaient parfois noyés dans une production destinée uniquement à l’exportatio­n. Eux passent plus de temps auprès du raisin que dans les bureaux à faire la compta. L’esprit a changé et cela donne des vins d’expression et d’identité vraiment à la hauteur.”

Si Jacques Selosse, George et Vincent Laval ou le Domaine Vouette et Sorbée sont adoubés depuis longtemps par les amateurs, plusieurs noms ont fait leur apparition et squattent les cartes des meilleurs restaurant­s, d’Emmanuel Lassaigne à Bertrand Agrapart en passant par Alexandre Chartogne Taillet, David Léclapart, Jérôme Prévost ou Frédéric Savart.

Certains industriel­s, piqués, commencent même à proposer des cuvées qui remettent elles aussi en cause les réflexes traditionn­els, même si cela reste minime en termes de volume. La révolution dans les bulles attendra encore un peu pour se voir vraiment à l’oeil nu (dans les supermarch­és) mais, en attendant, quelques principes simples peuvent être appliqués : “Les champagnes de maisons historique­s ne sont pas intéressan­ts, sauf à partir de 100 euros, estime Cyril Bordarier. Quand les entrées de gamme de certains ‘gros’ coûtent le prix des cuvées stars de petits producteur­s, on n’hésite plus à se tourner vers ces derniers.”

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