Les Inrockuptibles

Quand les réfugiés filment leur propre enfer

Produit par la BBC et Canal+, Exode retrace six parcours de réfugiés syriens, irakiens, gambiens ou afghans. Equipés de smartphone­s, ils ont pu capter au plus près les épreuves endurées.

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Izmir, Turquie. La famille de Tarek, composée de seize personnes, s’apprête à embarquer dans un canot pneumatiqu­e pour rejoindre les îles grecques. Prendre la décision d’emprunter la voie maritime n’a pas été facile pour cet ex-restaurate­ur syrien qui a quitté son Alep natal après la destructio­n de sa maison par un missile. Que beaucoup meurent lors de la traversée, et parmi eux des enfants, le patriarche l’a appris. Inquiet, il a retardé plusieurs fois ce départ vers la Grèce.

Le soir du départ, toute la famille est traversée par un certain humour noir. Un des jeunes garçons déclare qu’ils vont “à la mort” et la petite Isra’a, 11 ans, qui a aidé son père à vendre des cigarettes pour financer le voyage, ajoute que s’ils viennent à périr, “au moins (ils) dormir(ont) éternellem­ent !” En 2016, selon les chiffres des Nations unies, 2 896 personnes seraient portées disparues ou auraient perdu la vie en tentant de rejoindre l’Europe. Pour beaucoup de réfugiés, arriver sur le Vieux Continent est hypothétiq­ue. La mort est la “destinatio­n” redoutée à laquelle ils pensent d’abord. Le reste… Inch’Allah. La famille de Tarek arrivera saine et sauve en Grèce, une étape dans leur long périple jusqu’en Allemagne, pays où ils jetteront finalement l’ancre.

Leur histoire est l’une des six dévoilées dans Exode. Réalisé par James Bluemel, le projet nous vient d’Angleterre et a déjà été diffusé sur la BBC dans un contexte post-Brexit plutôt tendu. Initié par la société de production KEO Films, connue pour ses oeuvres engagées, et coproduit par Canal+, Exode a pour ambition d’humaniser ce phénomène qu’est la crise des réfugiés en donnant la parole aux premiers concernés. Syriens, Irakiens, Gambiens ou Afghans, les témoins et acteurs du film font partie des 24,5 millions de réfugiés dans le monde qui ont fui la guerre, la persécutio­n ou la pauvreté. Si les raisons qui motivent les départs sont différente­s, l’objectif est le même : gagner l’Europe coûte que coûte.

Si la version anglaise fut diffusée en trois parties sur la BBC, la version française du documentai­re, principale­ment montée par Fabrice Gerardi, est une épopée de deux heures. Construite comme une fiction, elle alterne les points de vue des différents personnage­s. La grande idée du documentai­re est d’avoir équipé les réfugiés de smartphone­s et de cartes mémoire afin qu’ils puissent filmer là où les caméras ne vont jamais. Les téléspecta­teurs ont accès à des images inédites, comme celles fournies par la caméra d’Hassan, jeune Syrien de 27 ans, ancien professeur d’anglais. Hassan veut quitter la Turquie pour se rendre à Londres, où il fera une demande d’asile. Lors de sa première tentative pour rejoindre les îles grecques,

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