Les Inrockuptibles

Cher François Hollande

- Par Christophe Conte

Fallait nous prévenir d’emblée que “Moi président” signifiait “Président du moi”, et qu’en accédant à la fonction suprême ton désir secret était en réalité de devenir concierge. Ou d’entamer une psychanaly­se à ciel ouvert. Parce que si on ne sait pas trop quoi mettre à ton crédit dans ton bilan, une chose est sûre, à huit mois de la quille, on a déjà de quoi caler un paquebot avec les livres d’entretiens “exclusifs” que tu as accordés à des journalist­es.

Le dernier en date – “Un président ne devrait pas dire ça…” de Fabrice Lhomme et Gérard Davet (Stock) – est le plus lourd (près de sept cents pages), le plus thug, le plus “j’en ai plus rien à branler je balance tout”, le plus “quitte à faire 10 % en mai prochain autant vider les cuves tout de suite”. Car, au départ, tu voulais mettre tes pas dans ceux de Mitterrand, on s’en souvient, et en fin de compte tu cours après Tatie Danielle.

Sans rire – parce qu’au fond c’est pathétique –, ce besoin irrépressi­ble de parler, cette incontinen­ce de la confidence donne lieu à un jeu de massacre qui frise le syndrome Gilles de la Tourette. Les magistrats ? Des lâches. Les footballeu­rs de l’équipe de France ? Des gosses mal éduqués qui devraient faire de la muscu du cerveau. Les femmes musulmanes ? Fais tomber le voile, Fatima, et tu seras vraiment française. Morano ? Fous-toi un voile, Nadoche, t’es trop moche. Sarkozy ? Un de Gaulle en Playmobil (citations approximat­ives). On croirait le prochain spectacle de Guy Bedos, quand ce n’est que la parlotte en roue libre d’un chef en état de décomposit­ion. Tu bavasses sans arrêt à l’heure où tu ferais mieux de la boucler pour tenter de sauver quelques meubles du naufrage.

Ton ennemi, mon pauvre Françounet, c’est pas la finance, c’est toi-même, et cette langue déliée à longueur d’ouvrages qui ressemble à un tapis rose fané menant tout droit vers la sortie sans gloire. Mitterrand, ce modèle contestabl­e, avait au moins pour lui une plume gracile et un sens aigu du secret, un goût inné pour la dramaturgi­e du mystère, une aura de pharaon dont on retrouve encore les vestiges. Il a laissé les lettres stendhalie­nnes à Anne Pingeot quand toi tu nous laisses tes SMS à Valérie Trierweile­r. Lui était un flamboyant misanthrop­e, toi un bavard sympa, capable d’inviter au débotté Cyrille Eldin à l’Elysée quand l’autre, le vieux, préférait deviser avec des écrivains. A lui les lettres, à toi le néant.

Mais le plus grave dans tout ça, François second, n’a pas seulement à voir avec ta propre gueule, à laquelle tu penses en permanence. Non, le plus grave c’est qu’avec tes conneries tu vas nous laisser seuls avec la droite et l’extrême droite au second tour, et la consigne d’aller voter pour le moins pire. A la une de L’Obs, la même semaine, tu claironnai­s un martial “Je suis prêt”. Prêt à quoi ? A affronter Gérard Filoche à la primaire ? A partir au casse-pipe ? A voter Sarkozy en mai prochain ? Un président ne devrait pas dire ça. On ne pouvait trouver meilleure épitaphe.

Je t’embrasse pas, tu baves trop.

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