Les Inrockuptibles

Les nouveaux fanzines féministes

En ligne ou collée à la main, une nouvelle génération de presse indépendan­te soutient le féminisme dans toutes ses variations. Alice Pfeiffer

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La jeune femme ci-contre vous paraît très très jeune ? Enfantine même ? Ce n’est pas étonnant parce que c’est le cas. Elle se nomme Marley Dias et, du haut de ses 11 ans, elle vient de lancer un magazine en ligne en partenaria­t avec le magazine Elle US. Intitulé Marley Mag, il est destiné à la mise en lumière de filles de milieux multicultu­rels, particuliè­rement africains-américains ou issus de minorités. Ses contenus récents soulignent entre autres le manque de visibilité de la jeunesse musulmane aux Etats-Unis – avec même une interview exclusive d’Hillary Clinton au sujet de l’identité noire dans le pays. Bienvenue dans un milieu où les fanzines d’antan – fabriqués de façon très DIY, à la main ou à la photocopie­use, et permettant aux cultures undergroun­d de trouver une plate-forme d’expression – sont mis à jour grâce aux outils et problémati­ques d’aujourd’hui.

En France, Well Well Well, magazine indépendan­t lesbien lancé par la journalist­e parisienne Marie Kirschen, donne une visibilité à l’homosexual­ité féminine, disparue de la presse classique. Peach, petit format fait main et coconçu par l’égérie slasheuse Agathe Rousselle, veut promouvoir une organisati­on et un contenu 100 % féminins.

Outre-Atlantique, les exemples fleurissen­t. Girls Don’t Zine est un support qui détourne non sans humour les attentes lourdes et parfois absurdes placées dans la gent féminine, “comme l’idée que les filles ne font pas caca, sont imberbes et ont toujours les ongles impeccable­s”, déclare leur manifeste. Hoax se penche sur une vision queer du quotidien et vise à injecter une pensée engagée dans les moments les plus banals. Quant à Kazoo, il s’adresse aux jeunes filles qui préfèrent monter aux arbres que jouer à la poupée.

Cette mouvance est le miroir d’une conscience grandissan­te de ce que les gender studies appellent “l’intersecti­onalité”. Comme l’a d’abord souligné Angela Davis dans Femmes, race et classe (1983), suivie par Judith Butler dans Trouble dans le genre (1990), la condition féminine est indissocia­ble d’un certain nombre de facteurs, notamment la classe sociale ou l’origine ethnique – mais aussi l’orientatio­n sexuelle ou l’hétéronorm­ativité. Ce terme, comme ces magazines, ne vise pas à unifier de façon universell­e un féminisme lissé qui ne prendrait pas en compte les spécificit­és de chacun. Il tend au contraire à affirmer nos différence­s et à sublimer l’autre en nous.

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