“faire chier le monde à 75 ans, je trouve ca louable”

Amateur et exégète de l’oeuvre de Dylan, le chanteur Silvain Vanot est ravi de voir son mentor empocher le Nobel de littérature.

En 2001

Dylan aurait “renouvelé l’expression poétique” ?! C’est ce qu’on dit à Stockholm, où on s’attend à le voir débarquer entre deux concerts, vêtu d’un costume à paillettes, recevoir son prix et prononcer un discours qui lui permettra de citer quelques auteurs japonais que personne ne connaît (à qui il a sans doute piqué quelques formules). Un prix qu’on avait étrenné avec Sully Prudhomme, le gars qui a inventé la poule au pot et la justice du travail. Depuis jeudi matin, c’est ambiance “Retour au festival de Newport” ! Après le passage à l’électricité, les albums religieux, le concert pour le pape… l’homme clive encore. Faire chier le monde à 75 ans, je trouve ça louable.

La vérité, c’est que j’ai le plus grand respect pour les décisions de ce jury-là. Consacrer coup sur coup Patrick Modiano, Svetlana Alexievitch et Bob Dylan ! Ce qu’ont écrit ces trois auteurs m’a ouvert les yeux, m’a inquiété, m’a ému, m’a intrigué, m’a donné envie de serrer des Russes dans mes bras, d’arpenter des rues parisiennes, de faire confiance à l’intelligence de qui écoute mes chansons… Donc merci, mesdames et messieurs.

En apprenant la nouvelle, j’ai été heureux, profondément, comme un gamin. Parce que récompenser Dylan, pour moi, c’est remercier un immense passeur si peu formaté : l’anthologie de Harry Smith, Oum Kalsoum, Ginsberg, Tolstoï, Karen Dalton… Parce que, sans lui, je les aurais découverts plus tard. J’aurais compris plus tard aussi que les outils de la poésie ne reculent pas, dégoûtés, devant la chanson : “My love she speaks like silence”, “I spoke like a child, you destroyed me with a smile”, “Casanova is just being punished for going to Desolation Row”… Parce que depuis une trentaine d’années, j’ai placé ma vie sous l’égide d’un aphorisme de Dylan, et que chaque fois que je l’ai perdu de vue je me suis renié ou me suis laissé descendre : celui