Les Inrockuptibles

10 chefs-d’oeuvre

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SUZANNE 1967 extrait de l’album Venant d’un artiste dont l’oeuvre est partiellem­ent placée sous le signe de la femme (sainte ou diablesse), la première chanson d’un premier album méritait un prénom féminin. Et quand bien même cette Suzanne serait “à demi folle”, est restituée à travers elle cette mystique vénusienne dont Cohen fera un miel abondant. Miel qu’une chorale (féminine) fait littéralem­ent ruisseler le long des parois de cette ballade à la mélancolie enchantée.

BIRD ON THE WIRE 1969 extrait de l’album “Comme l’oiseau sur le fil, comme l’ivrogne dans le choeur de minuit, j’ai cherché la liberté à ma façon.” Tout de la condition humaine telle que Cohen l’embrasse, céleste et dépravée, est résumé dans le premier vers de ce titre qui reste le plus emblématiq­ue et le plus emprunté (pas moins de trente reprises recensées) du répertoire de Leo.

THE PARTISAN 1969 extrait de l’album Cohen est le contraire d’un pacifiste. Pour lui, haine, guerre, jalousie sont avant tout des sources d’énergie. Cette chanson qui s’inspire de La Complainte du partisan de la Résistance française, et qu’il interprète en partie en français, célèbre avant tout la beauté du danger et le romantisme du sacrifice.

AVALANCHE 1971 extrait de l’album Quand Leo la sinistrose vous fait aimer la morsure de la glace. Rendue impénétrab­le par la densité des images et aveuglante par le rigorisme immaculé de sa mélodie, cette Avalanche se hisse parmi les sommets dont se rend victorieux un artiste aimant à confondre relations amoureuses et sport extrême.

FAMOUS BLUE RAINCOAT 1971 extrait de l’album On a envie de se blottir dans cette tristesse hachurée par un crachin de notes que répand une guitare aux arpèges élégiaques. Après ça, deux solutions : soit on court se pendre au premier arbre venu, soit on fait une demande en mariage en bonne et due forme. La magie Cohen, en somme.

Illustrati­on du penchant de notre coquin à verser dans la perversité. Sa référence à la fellation “sur le lit défait” que lui aurait prodiguée Janis Joplin dans une chambre du légendaire hôtel new-yorkais, fait date. De ce souvenir doux-amer d’une relation sans lendemain, il expose sur un ton lugubrissi­me la part de désolation et de comique.

HALLELUJAH 1984 extrait de l’album Cette chanson complexe sur l’amour (salut ? damnation ?) a un destin. Passée inaperçue dans sa version originale, elle est ensuite interprété­e par John Cale avant de devenir l’hymne transi du romantisme postmodern­e de Jeff Buckley, puis de devenir le thème musical d’un film d’animation (Shrek) dans la version de Rufus Wainwright.

FIRST WE TAKE MANHATTAN 1988 extrait de l’album S’amorce ici le virage electro de celui qui passe encore pour un barde folk à la triste figure. Treize ans avant les attaques du 11 Septembre, en voici presque l’augure. Cohen, qui a toujours été fasciné par la guerre et le terrorisme, s’est depuis amendé à propos de cette chanson, parlant plutôt de terrorisme “psychologi­que”.

THE FUTURE 1992 extrait de l’album De l’apocalypse en marche, Leonard le prophète de malheur fait un inventaire gourmand, tout en se mettant en scène. “Donnez-moi du crack et du sexe anal/Prenez le dernier arbre encore debout et sodomisez la culture avec.” Une jubilation à laquelle répond une orchestrat­ion revenue aux textures sonores chaudes de l’analogique.

HERE IT IS 2001 extrait de l’album Plus qu’une chanson, c’est un psaume comme seul un lecteur assidu de la Bible pouvait en produire. La production minimalist­e de Sharon Robinson épouse avec une élégante pudeur cette mise à nu intégrale et poignante de la condition humaine. Francis Dordor

Le mythe du sacrifice d’Isaac par son père Abraham raconté du point de vue du fils. La seule chanson de Cohen coiffée d’une morale.

JOAN OF ARC 1971 extrait de l’album

Faire l’amour à une sainte pour devenir soi-même un saint. Leonard in excelsis.

THERE IS WAR 1974 extrait de l’album

“J’imagine que tu appelles ça l’amour/Moi j’appelle ça un room service.” L’amour est une guerre, Leonard C. un sniper embusqué.

DON’T GO HOME WITH YOUR HARD-ON 1977 extrait de l’album

“Ne rentre pas à la maison avec la gaule” une potacherie à laquelle participen­t Bob Dylan et Allen Ginsberg, avec Phil Spector à la production.

PAPER THIN HOTEL 1977 extrait de l’album :

Le comble de la perversion : un homme écoute sa femme baiser avec un inconnu dans une chambre d’hôtel aux murs indiscrets et se délecte de son infortune.

Dès le premier vers, on est plié de rire : “Je ne peux combattre la bouteille que lorsque je suis bourré.”

GO NO MORE-A ROVING 2004 extrait de l’album

Un poème de Lord Byron sur l’âge prenant le dessus sur la jeunesse, mis en musique par un Cohen alors jeune septuagéna­ire.

NOT A JEW 2007 extrait de l’album

Ce poème récité, mis en musique par Philip Glass, a mis une partie de la communauté juive dans l’embarras. Juif bouddhiste, Cohen brouille les pistes à plaisir.

DARKNESS 2012 extrait de l’album

Décodage indispensa­ble : quand il chante “boire à ta coupe”, il ne s’agit pas de vin de messe mais de cunnilingu­s.

NEVERMIND 2014 extrait de l’album

Une darbouka, le chant en arabe de Donna De Lory, un texte puissant sur la portée de l’existence, ce morceau habille le générique de la saison 2 de True Detective. F. D.

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