Les Inrockuptibles

“on voulait ralentir le pouls”

Après avoir frôlé le burn-out, la machine à tubes Two Door Cinema Club revient avec un album groovy et introspect­if. Rencontre à Londres, avec Alex Trimble, taulier rouquin du power trio. Pendant cet armistice, les trois musiciens en ont profité pour se

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Ce soir, les Two Door Cinema Club offrent à leurs fans un aperçu de leur troisième album au Dome, un petit club bouillant du nord de Londres. Assis dans les loges, à quelques heures de la bataille, Alex Trimble nous explique comment lui et les deux autres membres de son groupe ont fini par se haïr cordialeme­nt. Une haine froide – sans engueulade, ni bourre-pif : “Un bon pain dans la gueule aurait peut-être été salutaire. Lorsqu’on était gamins, on se foutait tout le temps sur la gueule. Mais là, c’était pire. On était devenu silencieux. Méprisants.” Ambiance.

Après un succès microonde, deux albums et six ans de tournée quasi non-stop, l’un des plus beaux fleurons de la pop britanniqu­e était à genoux. L’apogée de ce psychodram­e sourd ? “J’ai fini à l’hôpital avec un ulcère. Ça m’a littéralem­ent rendu malade”, poursuit Trimble. Pour sauver ce qui reste à l’être, le groupe décrète un arrêt de jeu. “On a passé six mois sans se parler. Pas un coup de fil. Rien. Puis on s’est retrouvés à Londres juste pour boire des bières. L’enjeu c’était d’apprendre à être à nouveau amis.” “Je ne savais ni conduire, ni me faire à bouffer” , admet Trimble. Le bassiste Kevin Baird s’est installé à L. A., Sam Halliday (guitares), lui, s’est marié et vit à Londres. Quant à Trimble, il crèche à mi-temps entre Londres et Portland où vit sa bien-aimée : “Il a fallu que je décide qui je voulais être. J’ai lu des tas de trucs qui ont changé mon approche en tant que parolier. Des livres de philo, des textes religieux…” Le chanteur en profite pour se mettre au yoga et lever le pied sur la weed, les pilules et la picole.

Quand il a fallu se remettre à écrire, le groupe a décidé d’y aller piano. Travaillan­t essentiell­ement à distance, par Skype et par e-mail, avant d’entrer en studio. Avec des existences plus sereines, les mélodies survitamin­ées du trio se font plus rondes, les hanches plus souples : “Avant, on se contentait d’écrire des chansons ultrarapid­es. Cette fois, on voulait ralentir le pouls. On est plus vieux, on vit moins vite. Et musicaleme­nt, j’ai découvert des tas de trucs comme le krautrock, les Bee Gees, Prince, Fela Kuti… ou les albums des années 1970 de Paul McCartney comme McCartney II.”

Avec ses guitares funky et son chant souvent falsetto, Gameshow est le premier disque résolument groove de TDCC. Il y a quelque chose d’émouvant à voir ces Irlandais découvrir naïvement un pan entier de la musique noire. Le funk donc, mais sans les bacchanale­s. Dans les textes, il est plutôt question de se connaître soi-même. Moralement et mystiqueme­nt. Comme sur Good Morning ou le discoïde Je viens de là en français dans le titre : “C’est une référence à La Jetée, le film de Chris Marker tourné en images fixes. Quand le héros du film veut expliquer à la fille d’où il vient, il pointe son doigt en l’air et dit : ‘Je viens de là.’ Ça m’a bouleversé. C’est difficile pour moi d’expliquer tout ce que j’ai traversé. La chanson est une sorte d’hommage à ce film qui m’a ouvert l’esprit quand j’écrivais l’album.”

Enfin retapés, les TDCC peuvent désormais repartir à la conquête du monde sur de saines bases. “Le pire, c’est qu’on était prévenu. Phoenix est l’un des premiers groupes avec lequel on a tourné. C’était génial de voir ces mecs ensemble depuis dix ans être toujours potes. Ils nous ont filé des conseils du genre : ‘Prenez du temps pour vous. Ne pensez pas qu’au groupe.’ Mais on a fait tout le contraire et c’est ce qui a failli nous niquer.” Romain Burrel

album Gameshow (Parlophone/Warner) concert le 27 février à Paris (Casino)

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