Front Row Seat to Earth
Weyes Blood Les ritournelles fantasques et majestueuses d’une Américaine obsédante.
Sur la pochette, elle est allongée sur une langue de sable, au bord de l’eau, en costume de satin bleu immaculé. Dans cette tenue improbable, Natalie Mering, qui incarne à elle seule Weyes Blood, n’est pas à sa place. Ce décalage se retrouve dans sa musique sans âge, impossible à dater. On y entend tour à tour les échos d’un madrigal médiéval, d’un opéra spectral, de la pop baroque des sixties ou d’une folk-song gothique.
Héritière de Kate Bush, de Nico et des soeurs Brontë, cette Américaine élevée entre la côte Ouest et la côte Est a déjà sorti plusieurs albums injustement méconnus, notamment le sublime The Innocents, sorti en 2014. Loin des minauderies agaçantes et des élans grandiloquents de Mexican Summer/Red Essential certaines de ses consoeurs, sa voix intensément solennelle donnait alors de la profondeur et de la dignité à la mélancolie qui la hante.
Deux ans plus tard, Front Row Seat to Earth vient confirmer son charme vénéneux, qui bouleverse autant qu’il émerveille. L’envoûtement commence dès Diary, l’incroyable morceau d’ouverture, porté par les arpèges d’un piano spectral et par une harpe féerique. Tout droit sorties d’une salle de bal de manoir hanté, ces longues chansons raffinées irradient de chaleur malgré leur dénuement – sur Can’t Go Home, la voix ne s’entoure que du silence et d’un entrelacs de choeurs célestes.
Accompagné par une ribambelle de clips délicieusement excentriques, ce nouvel album devrait renforcer l’aura de Weyes Blood, qui a récemment collaboré avec Ariel Pink et Drugdealer. “As-tu besoin de moi ?”, susurre cette sorcière bien aimée sur le voluptueux Do You Need My Love. La réponse est oui. Noémie Lecoq
concert le 21 novembre à Paris (Espace B)