Epilogue 1 : Truth vs Beauty

Chocolate Genius Inc. Formidable retour d’un musicien transversal et en lutte éternelle.

Il y a six ans, Marc Anthony Thompson annonce avec fermeté mettre fin au projet Chocolate Genius Inc., faux collectif mais vrai bande d’amis, qui, dès 1988, tente de jeter un pont (et y parvient la plupart du temps) entre Jeff Buckley et Prince. Puis, celui qui a accompagné Springsteen en tournée ouvre un restaurant, et s’essaie à la composition de musique à programmes.

C’est donc d’un doux parjure que nous gratifie ici le Panaméen, avec un début de la fin (Epilogue 1) en treize chansons, stations et passions, qui cernent ce que le garçon pense de la fonction d’artiste : dire le monde dans toute sa crudité, et saisir la beauté par les cheveux (Truth vs Beauty).

Et lui qui, figure émergente de la scène new-yorkaise, s’est entouré au fil des années du guitariste Marc Ribot ou du pianiste John Medeski, a choisi ici, non seulement l’aventure en solitaire, afin de ne pas de nouveau emprunter des sentiers balisés, mais en outre un son volontairement âpre et brut, propre à mettre en valeur un chant protéiforme. Ce qui agrémente encore l’art d’un praticien du jeu de cache-cache No Format/Sony (un coup production en grand panoramique, la suivante une simple guitare accompagnée d’un chien qui lape dans une gamelle d’eau, à l’instar du Detroit d’ouverture), d’un musicien qui adore brouiller les cartes et les perspectives entre l’intime et le générique. Il est patent qu’un talent aussi subtil mais facile d’approche est rare.

Surtout, de la soul au groove en passant par le folk et le blues, Thompson va bien au-delà du simple sens de la formule ( Breakfast With the Revolutionaries, sur fond de sirènes de police), en offrant à sa musique une tendresse, un déhanchement, un humour et un lyrisme de chaque instant. Un album de mise en abyme, de contrastes, terriblement américain, mais terriblement internationaliste, aussi. Et un disque indispensable. Christian Larrède