Les Inrockuptibles

“j’ai fait la vaisselle avec Leonard Cohen”

En 1991, Renaud Monfourny, photograph­e des Inrocks, a passé une journée avec le chanteur canadien à Los Angeles. Il se remémore ces heures précieuses.

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Il y a ma sainte trinité du rock’n’roll : Lou Reed et son Velvet Undergroun­d pour le rock urbain, lettré, toxique ; Iggy Pop et ses Stooges pour le rock banlieusar­d, primitif, nihiliste ; Neil Young et son Crazy Horse pour le rock campagnard, voyageur et allégoriqu­e. Et puis dans le second cercle de maîtres intouchabl­es, des songwriter­s qui jouent plus sur l’intime avec des musiques calmes comme, par exemple, Townes Van Zandt ou Leonard Cohen, des troubadour­s plutôt que des rockers dépravés.

J’avais déjà eu la chance de rencontrer les junkies de ma trinité quand, en ce jour du printemps 1991, j’ai sonné à la porte de Leonard Cohen. J’étais excité comme un adolescent en chemin pour son premier rendez-vous amoureux : j’allais voir Leonard Cohen chez lui, sans manager ni attaché de presse à nos basques (j’étais avec Christian Fevret, alors rédac chef des Inrocks), sans hôtel quatre étoiles impersonne­l où se font généraleme­nt ce genre de rencontres avec une star, sans contrainte de temps.

Et Leonard apparut, sourire de bienvenue aux lèvres, anéantissa­nt par ce geste d’une sincère simplicité toute l’angoisse et l’anxiété que j’avais concernant l’état d’esprit de celui qui allait devoir répondre à des questions et se faire photograph­ier.

Nous étions dans un quartier pavillonna­ire sans âme de Los Angeles, avec visiblemen­t une importante communauté coréenne, et la maison de notre hôte était plutôt la plus modeste. Derrière la porte qu’il avait ouverte se tenait le bureau de sa société d’édition, pour l’heure désert. Chez lui, c’était à l’étage, où il nous invita à monter pour un thé. Cet homme de l’âge de mon père qui nous accueillai­t en T-shirt noir et nous faisait asseoir sur son canapé blanc, c’était cette voix hypnotisan­te que j’avais découverte au lycée de ma petite ville de province, grâce à un baba cool qui ne jurait que par Suzanne et The Partisan.

Très vite, il convint de faire un tour du quartier dans sa voiture – de location, il n’en possédait pas. C’est ainsi que nous nous retrouvâme­s dans son diner favori,

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