Les Inrockuptibles

Cher Maître Gims

- Par Christophe Conte

Tu t’es fait niquer comme jamais. Reparti bredouille des NRJ Music Awards, cérémonie annuelle des trophées de la merde en barre – et en streaming –, tu as juré le lendemain sur Instagram ne plus jamais remettre une savate de sport Vortex VX dans ce repaire indigne de ta splendeur pharaoniqu­e. Bref, tu nous as fait ce qu’on appelle, dans le jargon des remises de breloques musicales, une “obispette”. Référence à un chanteur prétentieu­x renvoyé maintes fois chez lui sans une Victoire de la musique (les NRJ Music Awards des vieux et de ceux qui ne vendent pas un caramel) et qui priva longtemps la cérémonie de son gros melon outragé. Tu as raison, dans le fond, car on n’oblige pas une éminence de ton standing à trimballer vingtcinq kilos de chaînes en plaqué et un costard à 36 000 boules de prince saoudien pour lui faire une telle offense en direct sur TF1. Tout ça pour récompense­r, dans les catégories qui t’étaient, pensais-tu, automatiqu­ement promises, les Fréro Delavega (duo de merde de l’année), Amir (chanson de merde de l’année) et Soprano (artiste marseillai­s de merde de l’année) et t’humilier devant un parterre de pucelles en fusion et des millions de téléspecta­teurs en lobotomie avancée. Si j’étais toi, je déposerais un recours devant la cour européenne de justice – t’es avocat, Maître, oui ou merde ? –, voire devant celle des droits de l’homme et du r’n’b. Si pour un rappeur, même un rappeur en carton, les N.M.A sont plus importants aujourd’hui que N.W.A, alors il faut défendre tes intérêts bec et ongles et pas développer un ulcère dans ton coin comme un gamin privé d’une double ration de frites à la cantine.

Il est vrai qu’avoir fait construire une cheminée en marbre de Carrare incrustée d’émeraudes pour ne rien avoir à mettre dessus, c’est ballot, je comprends ta déception. En quinze jours, c’était ton deuxième coup d’éclat, après l’annonce, toujours via Instagram, de ta retraite de la musique au lendemain de la victoire de Trump. Mais avant même que Jean-Sébastien Bach, Claude Debussy, les Beatles, David Bowie, Stevie Wonder et Public Enemy ne se sentent orphelins d’avoir perdu en pleine gloire un si bel héritier, tu as démenti, sur Twitter cette fois, par ce message : ”Après le poisson d’avril, je vous présente l’écureuil du mois de novembre”, suivi de quatre emojis morts de rire et d’une rafale de hashtags annonçant ton troisième album La Ceinture noire.

L’écureuil, c’est sans doute une prise de conscience du fait que tu commences sérieuseme­nt à nous briser les noisettes avec ton marketing appris dans Touche pas à mon poste, quand la menace d’arrêter la musique suggère de manière un peu présomptue­use que tu penses avoir commencé un jour. Maintenant, si tout bien réfléchi tu te décides à changer d’avis et à cesser la production industriel­le de cette glu sonore dégoulinan­te d’Enrico Macias 2.0 pour te recentrer sur tes activités de créateur de sapes, comme jamais on te remerciera. Et on pourrait même t’attribuer un Award Energie Verte pour contributi­on à la dépollutio­n de l’espace public et du cerveau des collégiens.

Je t’embrasse pas, j’ai pas l’NRJ.

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