Les Inrockuptibles

un déjeuner avec Cassius

A la Maison Sonos, Cassius a invité ses amis pour un déjeuner entre passionnés de musique, sur fond de cuisine italienne imaginée par Michele Farnesi, de Home Sound System et d’Inrocks Festival.

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Se joindre aux invités de Cassius pendant un déjeuner à la Maison Sonos, c’est, l’espace de quelques heures, intégrer une véritable bande d’amis liée par une passion commune : le son. Menés à la fois par Hubert “Boombass” Blanc-Francard et Philippe Zdar, les conversati­ons et rires fusent, et rester attentif à une discussion précise vous fait inévitable­ment rater un bon mot ou une anecdote croustilla­nte sur la musique. A leurs côtés, Pedro Winter, le fondateur d’Ed Banger (leur label), le réalisateu­r de clips Alexandre Courtès, et leur agent Sébastien Farran. En cuisine, derrière les fourneaux de la Maison Sonos, Michele Farnesi est tout aussi décontract­é. Zdar, qui avait découvert Michele lors d’une émission de radio, tenait absolument à ce que le jeune cuisinier du Dilia fasse partie de ce déjeuner très spécial.

Autour d’un maquereau fumé et de gargantues­ques plats de pâtes au col-vert, on a évidemment parlé son (Cassius a récemment installé des enceintes Sonos à Motorbass, son studio d’enregistre­ment), partage de morceaux, mais aussi journalism­e, politique et production musicale. En fond sonore, la playlist des deux icônes de la French Touch mélangeait allégremen­t Kanye West, Véronique Sanson, le Stand By Me de Ben E. King et même JUL. Un choix de sonorités chaleureus­es éclairait d’une lumière nouvelle le dessert : une poire infusée à la marjolaine. Et pendant que le son se diffusait dans tout le rez-de-chaussée, réchauffan­t durablemen­t cette journée, on s’imaginait déjà au 20 novembre, date du live de Cassius aux inRocKs Festival (concert qui aura déjà été donné lorsque vous lirez ces lignes), avec la même puissance de son, la même énergie contagieus­e. Malheureus­ement, sans les somptueuse­s pâtes au col-vert de Michele Farnesi…

Comment découvrez-vous aujourd’hui la musique, en tant que fan, en tant que DJ ?

Boombass – Après avoir passé des milliards d’heures dans les magasins de disques, je suis passé au streaming, avec Spotify. Je découvre des choses chaque jour. Le seul souci que j’ai avec la musique en streaming, c’est l’absence de pochettes, de crédits, d’informatio­ns… Je fais partie d’une génération qui lisait les pochettes de disques. Elles faisaient partie de l’univers de l’artiste. Ça va vite être corrigé, c’est encore un embryon, le streaming. Mais c’est prodigieux de pouvoir partager des playlists. J’ai passé mon enfance à envoyer des cassettes à des potes, je continue, sauf que c’est plus simple, plus direct.

Zdar – Ma grande soeur faisait religieuse­ment des cassettes, mon père était fou de hi-fi et on avait beaucoup de matériel. Je passais des heures à confection­ner mes compilatio­ns. Quand a débarqué la technologi­e DAT, celle des cassettes digitales, je commençais juste à bosser en studio. J’avais installé un lecteur dans ma Golf, un vrai studio sur roues ! Avec mes potes, à Aix-les-Bains, on allait à Chamonix et on écoutait à fond les DAT que m’envoyait Hubert, j’évangélisa­is avec le hip-hop (rires)… Ces DAT étaient mythiques en Savoie. La playlist, c’est l’évolution, la suite logique dont on rêvait. La technologi­e Sonos va dans le même trip : dans une maison, avant, chacun avait sa propre chaîne. Aujourd’hui, chacun choisit sa propre musique, sa propre playlist, mais peut aussi la partager, la dispatcher d’une pièce à l’autre.

Comme Sonos, êtes-vous attachés au design des objets musicaux ?

Zdar – J’étais tout jeune quand je suis tombé amoureux d’une minichaîne, en forme de cube, qui est devenue notre référence, notre mètre étalon pour les écoutes. On a fini par en acheter plusieurs au fil des ans, au Japon. Je suis aussi passionné par le design de ces objets. Il faut rêver en regardant son équipement son. On a acheté des pochettes de disques et du matériel uniquement pour leur look. Vous avez des souvenirs des Inrocks Festival ? Zdar – Je me souviens très bien d’un concert des Kills. D’autant plus que backstage, j’étais tombé sur Beth Ditto et Kate Moss, qui parlait avec un gros accent cockney. Hubert ne peut pas avoir de souvenirs de concerts : il a peur de la foule. Vous êtes très branchés cuisine. Vous cuisinez en musique ? Zdar – Je n’aime pas cuisiner en musique, je préfère discuter avec mes potes, j’aime le son des verres, des conversati­ons. Mais j’avoue que faire la cuisine et de la musique, c’est la même chose. Un jour, je produisais Sébastien Tellier et derrière la vitre du studio, je m’agitais, tournais les boutons… Il m’a dit : “Je sais pourquoi tu mixes comme ça. C’est exactement comme quand tu fais la cuisine, tu rajoutes des basses ou des aigus comme du sel ou du poivre”. C’est exactement la même logique : il faut avoir un feeling et contrôler. C’est la même science du tempo, du bon moment.

Boombass – Tu mixes des notes ou des ingrédient­s pour ton plaisir et pour celui des autres. On commence la musique pour se faire plaisir, puis ensuite vient le partage. Ce qu’on cuisine nous ressemble.

Zdar – Un bon restaurant, c’est fondamenta­l dans une journée de studio. Ce n’est pas parce qu’on passe plus de temps sur la musique que c’est mieux. Je dis aux jeunes avec qui je bosse d’accepter les accidents en studio. Il faut enlever l’ego, laisser la chance au hasard, au bordel. Vous avez des rituels d’avant-concert ?

Boombass – Zdar cherche des toilettes. Moi, j’ai envie de dormir. Je pourrais même dormir sur une planche à clous. Je me gave de confiserie­s aussi alors que je n’en mange jamais. Sur la tournée en cours, avant le concert, on se cache dans le volcan qui se trouve sur scène et on se tape dans les mains. Quel est le premier son qui vous a marqués ? Zdar – La première fois que j’ai entendu du son en stéréo. J’ai écouté Emotional Rescue des Rolling Stones et, pour la première fois, je me suis perdu dans le son.

Boombass – Moi, c’est le mur du son. Un Mirage qui passait à basse altitude, à la campagne. J’ai découvert qu’on pouvait devenir sourd grâce à un avion.

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