Les Inrockuptibles

Pire que Sarko

Sa réussite ? Coupler la promesse d’un choc libéral avec la posture identitair­e de Nicolas Sarkozy. François Fillon, c’est le monsieur deux en un que la droite conservatr­ice traditionn­elle attendait. Anne Laffeter

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François Fillon pire que Nicolas Sarkozy ? Voilà la question schizophrè­ne que les 600 000 sympathisa­nts de gauche qui ont fait barrage à l’ancien Président se posent aujourd’hui. Personne n’a vu venir la vague Fillon tant les sondages promettaie­nt à Alain Juppé une victoire sans mener bataille.

Le programme du député de Paris, peut-être le plus à droite d’entre tous, avait été relégué au second plan. Mais avec 44 % des voix au premier tour de la primaire de la droite et du centre, et les soutiens de Nicolas Sarkozy et Extrait du mur des homophobes, exposé par Act Up-Paris à l’occasion de la journée de lutte contre l’homophobie, le 17 mai 2013 Bruno Le Maire, il faudrait un miracle pour qu’Alain Juppé l’emporte ce dimanche.

La clef du succès du disciple de Philippe Séguin est au coeur de son programme : l’alliance d’un thatchéris­me à la française et de l’autoritari­sme identitair­e mis à la mode à droite… par Nicolas Sarkozy. Le 28 août, lors de son discours d’entrée en campagne dans son fief de Sablé-sur-Sarthe, François Fillon ravit Gérard Longuet avec cette tirade sur la colonisati­on : “Non, la France n’est pas coupable d’avoir fait partager sa culture aux peuples d’Asie, d’Afrique et d’Amérique du Nord.” En toute décomplexi­on sarkozienn­e, Fillon tient une ligne autoritair­e : il ressort du placard de François Hollande l’idée de la déchéance de nationalit­é et promet d’interdire le port du burkini. Il a su ainsi braconner (il a été à bonne école) sur les terres sarkozyste­s du Sud-Est en tenant d’une ligne radicale sur l’identité.

En promettant ensuite une rupture économique, sociale et sociétale, il a séduit le coeur de l’électorat conservate­ur catholique traditionn­el en quête de revanche, celui qui a défilé sous les drapeaux bleus et roses de la Manif pour tous. “J’ai gagné sur les valeurs”, tonne François Fillon dimanche 20 novembre lors de l’annonce des résultats. Celles de la famille traditionn­elle, qui lui ont valu le soutien de Sens commun, le prolongeme­nt politique de la Manif pour tous.

Même s’il ne promet pas d’abroger la loi Taubira – admet-il –, il propose de revenir sur l’adoption plénière. Il souhaite aussi que la procréatio­n médicaleme­nt assistée (PMA) soit “réservée aux couples hétérosexu­els dont l’infertilit­é est diagnostiq­uée” et entend abroger la circulaire Taubira, qui facilite la transcript­ion en France de l’état civil des enfants conçus à l’étranger par gestation pour autrui (GPA). Les soutiens de Juppé ne se privent pas de rappeler que Fillon a voté contre la dépénalisa­tion de l’homosexual­ité en 1982. En cas d’élection en mai, il propose de rétablir l’universali­té des allocation­s familiales.

C’est aussi avec ses promesses économique­s très thatchérie­nnes que Fillon a remporté la partie. Il prône le “choc libéral” que Sarkozy n’a pas mis en place : 110 milliards d’économie sur les dépenses publiques, suppressio­n de 500 000 emplois publics, report de l’âge de la retraite à 65 ans en 2022, passage aux 39 heures dans la fonction publique, allègement des charges des entreprise­s, baisse d’impôt sur les sociétés, liberté pour les entreprise­s de négocier le temps de travail dans les limites des 48 heures, etc. En cas de victoire, cela promet une rentrée 2017 très salée pour les salariés et les syndicats.

A l’internatio­nal, il milite pour une coalition avec la Russie et l’Iran pour combattre Daech en Syrie, quitte à s’allier avec Bachar al-Assad. Les massacres d’Alep ? Son programme n’en dit pas un mot.

“pas réaliste”,

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