“un long cauchemar national”

Auteur du Cercle, roman situé dans un univers totalitaire inspiré de Google, l’Américain Dave Eggers livre aux Inrockuptibles sa réaction à propos de l’élection de Donald Trump. D. E. traduction Nelly Kaprièlian

Achaque fois que nous trouvons une façon d’expliquer la situation, un fait nouveau advient et oblitère toute compréhension. La majeure partie des Etats-Unis et du monde a pensé que l’élection de Donald Trump était le fait d’hommes blancs en colère et sans diplômes. Or, il a été révélé que 45 % des femmes blanches diplômées ont voté pour Trump. Pensez-y.

Trump est l’un des êtres humains les plus scandaleusement sexistes et misogynes. Il a déclaré qu’il reconsidérerait le droit des femmes à l’avortement, et pourtant, près de la moitié des femmes – des femmes éduquées – a voté pour lui. Au lieu d’élire la première femme présidente de l’histoire des Etats-Unis, une majorité d’Américaines a préféré élire un homme dont chaque déclaration est un affront à leur encontre, un homme qui va revenir sur des droits acquis depuis plusieurs décennies. C’est dément. Mais la responsabilité de cette honte – l’un des jours les plus honteux de l’histoire de l’Amérique – doit être partagée par nous tous. Nous n’avons pas assez agi pour arrêter cela. Nous sommes devenus complaisants. Nous avons sous-estimé le besoin de changement à tout prix d’un électorat immature. Nous avons été confrontés à l’élection possible du premier Président fasciste dans l’histoire de notre pays, et cela n’a pas été un motif suffisant pour que nous renoncions à notre ire.

Je passe mes journées à croire avec ferveur en la bonté essentielle du peuple américain… Je suis du Midwest, Illinois – Etat qui a voté Hillary –, mais pendant que j’écris cela, je suis dans l’avion pour le Michigan, un Etat que j’aime, plein de gens que j’aime, mais qui a voté pour Trump, et je ne peux pas me l’expliquer. Le fait que les citoyens du Michigan et de la Rust Belt, dont beaucoup sont working class et ont des vies difficiles, pensent qu’un milliardaire de New York qui n’a jamais payé d’impôts et qui n’a jamais rien fait pour aider quiconque à part lui-même, va d’une manière ou d’une autre sauver le prolétariat, cela relève de la pensée magique d’un enfant crédule. Et n’a aucun sens. Mais ici, maintenant, plus rien ne fait sens. Le haut est le bas. Le bien est le mal. Nous sommes aux premiers moments d’un long cauchemar national. Priez pour nous.”

dernier roman paru Le Cercle (Gallimard)

“45 % des femmes blanches diplômées ont voté pour Trump”