Les Inrockuptibles

Serena Williams, icône de mode

Elle a toujours fait l’objet de moqueries racistes et sexistes. Aujourd’hui, elle s’assume comme nouvelle égérie pop. Alice Pfeiffer

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Vous l’avez reconnue. Cette femme sur la couverture de WSJ., le supplément fort chic du Wall Street Journal, n’est autre que Serena Williams, championne de tennis de renommée mondiale. Au fil des pages glacées, elle apparaît vêtue de tenues moulantes, évoquant un quotidien à la fois sportif et glamour – précisémen­t l’intersecti­on où se situe maintenant sa vie. Si ses exploits ont fait parler d’elle, aujourd’hui c’est d’une nouvelle visibilité qu’elle jouit. Récemment, on pouvait la voir aussi sur les couves de Glamour, Billboard, Vogue, et aux premiers rangs de la fashion week de Milan. A celle de New York, elle présentait sa propre ligne de vêtements au style très athleisure. On l’a même entendue et reconnue dans divers titres et clips de Beyoncé, dont elle est proche. Drake chante ses louanges, tout comme Anna Wintour.

Voilà un rêve américain qui a connu bien des déboires. Cette femme, décrite par John McEnroe comme “probableme­nt la plus talentueus­e de tous les joueurs ayant jamais joué”, a beau triompher encore et encore, rien n’y fait : elle est très souvent (et largement) moins payée que ses homologues masculins, moins mise en avant que d’autres joueuses, car considérée comme moins vendeuse que les plus filiformes Maria Sharapova et Eugenie Bouchard.

Les médias et la twittosphè­re ne sont pas avares de commentair­es désobligea­nts. Le commentate­ur sportif Sid Rosenberg la décrit comme un “animal” qui serait “plus apte à poser pour le National Geographic que Playboy”. On se moque de ses muscles, trop virils, de sa poitrine imposante, trop sexuée. On assimile même son souffle rauque, quand elle joue, à celui d’un gorille.

Selon les sociologue­s James McKay et Helen Johnson, Williams est confrontée à une aporie raciste : “Que les médias l’insultent ou la compliment­ent, ça revient toujours à peu près au même, on reste dans une logique essentiali­ste célébrant ou dénigrant un corps fondamenta­lement différent car noir.” Il ne faut pas oublier qu’elle excelle dans un sport initialeme­nt réservé aux élites blanches.

Aujourd’hui, ce physique dont l’Amérique ne savait que faire devient l’indicateur d’une success story alternativ­e, aussi coquet qu’affranchi. Barbara Kruger disait : “Ton corps est un champ de bataille” ; celui de Serena est une zone de combats dont elle revient victorieus­e.

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