João Pedro Rodrigues explique en toute simplicité qu’il a toujours considéré l’homme comme un animal
Ballet de corps en rut dans un Lisbonne nocturne et moite :
(2000), le premier film de JPR, est un choc de leur richesse, de leur tension et de leur profondeur, de l’évolution de ses personnages, de leur trajet (João Pedro parle de “journeys”), et surtout de ce qui fait le sel de son cinéma : la mise en scène, le découpage, le jeu des acteurs, le filmage, la mise en images, qu’on pourrait à la fois qualifier de religieuse et, souvent, “d’homo-érotique”, comme il le revendique lui-même.
dit-il,
“Je suis homosexuel, en tant qu’individu, mais en tant que réalisateur de films, je vise absolument à l’efficacité de l’expression.
J’ai conscience de produire des images qui me sont érotiques, mais j’espère qu’elles peuvent l’être aussi bien pour les hommes, les femmes, qu’ils soient hétéro ou homo”. João explique qu’il travaille énormément le découpage de ses films, même s’il ne sait pas dessiner. Que pour lui (autre point commun avec Buñuel, tiens !), le montage est fait avant le tournage, même si bien sûr le travail de montage est capital et peut parfois enrichir le film (et il doit le faire).
Sur la question de l’existence d’un cinéma qui serait gay, il reste prudent et circonspect, comme le sont intelligemment beaucoup de femmes cinéastes lorsqu’on leur demande si elles font un cinéma féminin. D’abord, les études sur le genre ont révélé que tout n’est pas aussi simple, partagé. Et puis le cinéma gay peut très vite devenir un ghetto, ne serait-ce que pour des questions commerciales, d’ailleurs. “Quand mes films sont rangés dans les rayons DVD ‘cinéma gay et lesbien’, je suis horrifié. Moi, le cinéma que j’aime, qui m’a formé, il est hétéro mais ça ne me pose aucun problème. Je connais des gens qui ne regardent que des films gays et lesbiens, et je trouve ça horrible. D’abord parce que, entre nous, la plupart de ces films sont nuls.”
Et João, au fil de la conversation, évoquera Hitchcock ou Mizoguchi, deux cinéastes très différents, mais capables de mettre en scène des figures fantomatiques, l’une de ses passions et l’un des thèmes récurrents de son cinéma. Il louera l’efficacité d’Hitchcock, mais aussi sa perpétuelle quête d’expériences, d’innovation, au sein même d’une industrie toute tournée vers l’histoire. Lui aussi cherche sans cesse à donner un rythme, une tension (“d’ailleurs, c’est la même chose”) à chacun de ses films, avec les outils les plus expressifs et les plus simples du cinéma. De même, il n’aime les fantômes au cinéma que lorsqu’ils sont filmés comme s’il s’agissait de tout un chacun, sans effet spécial particulier. Parce qu’ils font encore plus peur que s’ils étaient transparents ? Rodrigues ne renâcle pourtant pas devant les trucages, mais à condition qu’ils soient quasiment montrés, utilisés comme des outils de représentation et de stylisation. Et l’on reviendra à Hitchcock : à quoi sert une transparence (par exemple un paysage défilant derrière une voiture par des acteurs jouant dans un studio), sinon à rendre net ce paysage ? Mais aussi à donner de l’onirisme au cinéma, à dépasser le simple enregistrement ontologique de la réalité ?
Pour montrer combien Rodrigues maîtrise les bases les plus primitives, au sens noble, du langage cinématographique (appris auprès de deux de ses professeurs, les cinéastes Paul Rocha et António Reis), nous revient en mémoire l’une des premières scènes d’O Fantasma : un jeune homme vautré par terre, filmé en gros plan. On dirait qu’il geint comme un