Julien Barbagallo a été embarqué comme batteur de tournée avec Tame Impala, et Julien Gasc a joué sur scène avec Stereolab… Prestigieux adultères
besoin d’écrire en français. Mes deux albums ont été écrits à l’étranger, j’étais loin des autres artistes qui chantent en français et vis-à-vis desquels j’aurais éventuellement pu cultiver des complexes. Etre loin a vraiment été libérateur.” La langue unique, libre, traversée d’images oniriques et nourrie par la contemplation, apparaît comme l’un des points forts de Grand chien. D’un Nouveau Sidobre mystérieux aux accents de country cosmique jusqu’aux échos vaporeux qui referment l’album par ces mots : “Les hommes sont loin”, il y a quelque chose d’un western pacifique dans l’imaginaire de Barbagallo.
Il ne réfute pas la référence à Terrence Malick pour le panthéisme empli de clarté céleste et de méditation, et sa voix évoque de loin Polnareff avant que celui-ci ne devienne plus grotesque que son sosie Cetelem. Les origines italiennes ont également laissé infuser ce goût de l’épique morriconien et ses ballets d’instruments incarnés comme des personnages : “Mon père est sicilien, il avait acheté un synthé Yamaha où il y avait des partitions de Morricone. Je l’entendais jouer ça et leur pouvoir évocateur a été immédiat sur moi, comme en France les musiques de François de Roubaix. Si je pouvais, j’aimerais faire jouer des instruments à la place de ma voix.”
Chez Julien Gasc, c’est l’inverse : la voix est un instrument et les mélodies sinusoïdales restent souvent agrippées aux orchestrations pour former une sorte de faisceau qui trace l’horizon. “Je n’avais que deux titres écrits en arrivant en studio, mais je suis habitué avec Aquaserge à me servir du studio pour composer, précise Gasc. C’était finalement facile comme procédé, je donnais à chaque musicien des directives précises en fonction de l’évolution des morceaux et on enregistrait dans la foulée.” Une tapisserie représentant une scène de chasse, trouvée dans des toilettes en Angleterre, servira de pochette à ce cabinet des curiosités post-pop. “Quelqu’un avait rajouté au feutre une corne au cheval pour en faire une licorne et cette inscription ‘Kiss me, you fool!’ J’ai tout gardé, car ça collait avec ce que je voulais raconter.”
Avec cette collection de vignettes légèrement surréalistes qui nous transportent (en ballon dirigeable) de l’Angleterre victorienne jusqu’à La Nouvelle-Orléans en passant par le Sud de la France où il est né (Castres), Julien Gasc conjugue en français cet esprit des excentriques british, notamment celui du doux dingue Kevin Ayers. Son portrait chanté de Luke Howard, l’inventeur de la météorologie, pourrait presque passer pour un manifeste : “Il a passé sa vie à quantifier l’inquantifiable, il a passé sa vie à observer une abstraction en mouvement perpétuel…” Pour décrire ce disque et toute l’arborescence Aquaserge, on ne trouvera pas mieux.
albums Barbagallo, Grand chien (Arista/Sony) ; Julien Gasc, Kiss Me, You Fool! (Born Bad) ep Aquaserge, Guerre Ep (Crammed Discs)