Les Inrockuptibles

The Unborn Capitalist from Limbo

Cory Hanson Le leader du groupe californie­n Wand met de côté le garage psyché pour s’offrir une première escapade en solitaire de toute beauté.

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Prendre le temps. C’est à cette hérésie que nous invite le Californie­n Cory Hanson sur son premier album solo, The Unborn Capitalist from Limbo, qui s’écoute dans son entièreté, se refusant au morcelleme­nt auquel YouTube nous a pourtant habitués. Si Ordinary People est celui des huit morceaux qui pourrait le plus légitimeme­nt accéder au rang de single, il n’atteint le stade du sublime que dans sa relation aux autres, le tout formant une courte mais élégiaque harmonie. La guitare acoustique est délicate, les violons pas sirupeux, les mélodies pop et soft comme la contemplat­ion de l’horizon marin au jour tombant. La voix, nasale et brisée, n’est ni vraiment masculine ni vraiment féminine, céleste seulement.

A 28 ans, Cory Hanson nous dévoile enfin son doux visage. Loin de la sueur garage, des pétages de piles électrique­s et du psychédéli­sme tortueux de son groupe Wand. Fort de trois albums, Wand nous avait surtout fouetté le coeur avec ses live (aux festivals Rock en Seine et Art Rock en 2015, notamment) qui décoinçaie­nt instantané­ment notre colonne vertébrale et nous collaient cette euphorie propre à la furieuse accointanc­e d’une guitare électrique et d’une batterie.

Il faut dire que Cory Hanson et ses deux acolytes (trois sur scène) ont été à une double bonne école : celle des plages cramées sous le soleil angeleno, et celle Drag City/Modulor

de Ty Segall ; Cory et Ty étant best friends forever depuis le lycée et passant le plus clair de leurs journées – hors tournées – ensemble, à surfer, fumer de la weed ou à fredonner en grattant leurs guitares.

Cory Hanson et le batteur Evan Burrows font d’ailleurs partie des Muggers, la formation qui accompagna­it Ty Segall sur sa tournée cette année. L’influence de Segall – lui-même influencé par John Dwyer, l’un des génies du XXIe siècle, rien que ça – est très prégnante chez Cory Hanson. Son escapade en solitaire tendre à pleurer rappelle ainsi l’échappée folk et acoustique de Segall sur Sleeper, magnifique album (peut-être son plus beau) lâché en 2013 à la mort de son père.

Mais Hanson évite soigneusem­ent l’écueil du copier-coller, et imprime sa propre âme dans le paysage musical actuel, assumant les cordes pastorales et le falsetto un peu Bowie mais pas trop. Sans tomber non plus dans le travers du triste passéisme. Juste en s’écartant de la frénésie ambiante pour s’élever vers un idéal de beauté. Carole Boinet

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