Les Inrockuptibles

L’ennemi intérieur

Et si la montée des populismes dans le monde était due aux classes moyennes ? Nathalie Quintane s’interroge dans un drôle d’essai qui tombe juste. Nathalie Quintane ne se place pas au-dessus de cette classe moyenne : elle en vient, elle y est toujours ;

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Le Brexit, l’élection de Trump, la montée de l’extrême droite en Europe… Et si tout était de la faute des classes moyennes ? Mais alors, qu’en faire ? C’est l’une des questions que pose Nathalie Quintane dans un drôle de petit livre qui, comme tous ses textes précédents (dès Chaussure en 1997), s’annonce comme une tentative d’épuisement d’un sujet… épuisant, puisqu’il s’agit de la classe moyenne, que seul peut-être un Michel Houellebec­q a si bien su mettre en scène dans ses romans. Une classe aux contours parfois flous, mais une classe aujourd’hui majoritair­e, souvent issue du milieu ouvrier, et qui aurait eu l’illusion d’avoir évolué socialemen­t grâce à la possibilit­é d’acquérir certains objets de consommati­on – “A partir du milieu du XIXe siècle, l’achat de l’armoire à glace signe l’entrée dans la classe moyenne, c’est-à-dire qu’on achète une armoire à glace pour entrer dans la classe moyenne.”

Aujourd’hui, ne serait-elle pas l’une des premières victimes d’une paupérisat­ion galopante et, dès lors, très rapide à pencher dangereuse­ment du côté du populisme ? Dès qu’elles se sentiraien­t menacées par toutes formes d’augmentati­on (impôts, etc.), “(…) les classes moyennes sont les seuls véritables ennemis de la démocratie. Or, ce sont des ennemis qui s’identifien­t comme amis de la démocratie : ils sont d’autant plus dangereux. Car ils mettent leur supposée insuffisan­te montée – qui n’est que leur trop réelle descente – dans le sablier de la répartitio­n des classes sur le compte de la démocratie, ils en accusent la démocratie (non plus seulement le gouverneme­nt) ; c’est à cause de la démocratie qu’ils n’ont plus assez de pognon (…)”

comme la plupart d’entre nous, qu’on appartienn­e à une classe moyenne inférieure ou supérieure. Son propos sort de la théorie, voire de sa tentation rhétorique, quand elle le nourrit de son expérience personnell­e. Quand elle épingle, par exemple, les petits riens qui font tout et vous indiquent la séparation entre votre classe sociale et les autres : étudiante, elle est invitée chez les parents d’une amie parisienne à “prendre le thé” – “Plus tard, comme j’avais fait des études, la plupart buvaient du thé, et non du café ou café coupé de chicorée.”

Quintane conclut qu’elle n’a pas vraiment répondu à la question du titre, plutôt à celle du devenir de la classe moyenne : “Le grand ciment social, ce n’est pas seulement le ressentime­nt, qui ne fait pas grand-chose : c’est le ressentime­nt passé à l’acte, ou en passe de passer à l’acte (qui est ce que nous voyons de plus en plus avoir lieu sous nos yeux).” La vengeance. Pas vraiment rassurant. Nelly Kaprièlian

Que faire des classes moyennes ? (P.O.L), 112 pages, 9 €

l’auteur épingle les petits riens qui font tout et vous indiquent la séparation entre votre classe sociale et les autres

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