Les Inrockuptibles

Mytho mythique

Depuis début octobre, Serge le Mytho déboule en totale roue libre sur l’autoroute de la déconne. Galvanisan­t freestyle.

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S“J’t’explique, la Playstatio­n 4, elle est pas assez puissante pour jouer ma life.”

érie-autoportra­it stoppée en août dernier, Bloqués nous a prouvé qu’il y avait une vie après Bref. De cet heureux succès a éclos un spin-off. La vedette de ce shortcom ? Serge le Mytho, le conteur des HLM, qui s’invite sur le canap d’Orelsan et Gringe pour fantasmer ses périples en Thaïlande ou à L. A., avec Brad Pitt, Kanye West ou Scarlett Johansson.

Il faut dire que son interprète, Jonathan Cohen, fait le beau parleur depuis dix ans. Il est acteur, doubleur (chez Aronofsky, Tarantino, les frères Coen) et amoureux des “zéros” plus grands que la vie (il en incarne un dans Hero Corp). Tel son alias, on l’imagine glandeur… il n’en est rien. Ce type discret à l’affiche de Papa ou maman 2 et La Folle Histoire de Max et Léon préfère la passion à la procrastin­ation. “Serge me dépasse totalement”, s’enflamme-t-il en détaillant ces instants de storytelli­ng absurde “où tu ignores totalement d’où les idées sortent, quand le truc finit par prendre le pas sur toi”.

Serge de Cergy est né du désir de Kyan Khojandi de retrouver le plaisir du jeu. Sans cut répressif, la blague s’étend jusqu’à l’extinction ou l’épiphanie, façon Edouard Baer. Qu’il imagine “la chatte de Mariah

Carey” – qu’on tripote comme une guitare sèche – ou “Bouba, le petit ourson”, le fabulateur mégalo transcende le trivial.

Sur le plateau de Bloqués, Cohen déconnait sans filet durant une heure vingt. Le comédien raffole de ces digression­s “en temps réel”, de celles que l’on retrouve dans les films de Judd Apatow. “L’impro, c’est de la pure magie, c’est vivre une expérience périlleuse et collective sans connaître la destinatio­n, c’est un discours de l’inconscien­t et du malgré-soi”, s’extasie cet admirateur de Maïwenn qui défend la liberté de l’“acteur-auteur” possédé par “l’exercice du moment, sans limites”.

Loin de l’humour d’observatio­n, Serge le Mytho cultive un comique narratif qui confine au vertige rhétorique. C’est l’histoire d’un mec “qui raconte des histoires” – et c’est là l’essentiel. “C’est à jouer sa vie qu’on devient spectateur de sa vie”, entend-on dans le second épisode. Le spectacle en question est celui du kiff en mots, du temps qui passe et s’éternise. Il vaut carrément le détour, “frère”. Clément Arbrun

Serge le Mytho série de vignettes de Kyan Khojandi et Bruno Muschio, tous les vendredis dans Le Grand Journal, Canal+

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