Les Inrockuptibles

Arbre magique

L’Opéra de Paris présente (enfin) dans ses murs Tree of Codes, chorégraph­ie polyphoniq­ue réunissant Wayne McGregor, Jamie xx et Olafur Eliasson.

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En l’espace de deux saisons, l’Opéra de Paris a fait se côtoyer Wagner et James Blake, Mozart et Max Richter dans ses programmes. Le ballet de la vénérable maison, sous l’impulsion de son ex-directeur Benjamin Millepied, s’est offert une cure de jouvence musicale. Jamie xx est l’un des noms de cette saison. Pour avoir découvert Tree of Codes – dont il signe la bande-son – à Manchester il y a déjà deux ans, on peut vous garantir que Garnier va se prendre quelques décibels de haute volée.

La chorégraph­ie de Wayne McGregor, dont le titre plus que le thème est emprunté au romancier Jonathan Safran Foer, s’autorise une pincée d’effets faciles, comme cette ouverture avec danseurs couverts d’ampoules lumineuses. Mais très vite cette science-fiction en mouvement prend une autre vitesse de croisière. On connaît le goût du chorégraph­e anglais pour la virtuosité, au risque d’en faire trop. I ci, il calme un peu ses ardeurs, ose un travail sur les portés simplement renversant ou une fusion des corps, comme imbriqués. Aux étoiles et membres du corps de Ballet de l’Opéra de Paris viennent s’ajouter des solistes de la troupe de McGregor. Les techniques diffèrent d’une compagnie à l’autre, ce qui rend passionnan­t cette approche en osmose. Wayne McGregor avait donné des pièces à l’Opéra de Paris sans tout à fait nous convaincre. Tree of Codes l’impose comme le grand styliste du ballet actuel.

Ce projet se paie le luxe d’un décor XL d’Olafur Eliasson. Effets miroir, sculptures mouvantes, saupoudrag­e de couleurs donnent à Tree of Codes un air d’installati­on. “Mon idée, c’est que pas un seul spectateur ne voie la même chose !”, résume Eliasson. C’est réussi, même si les danseurs ont parfois le plus grand mal à retrouver leur partenaire sur scène. De ce constat visuel et ses troubles afférents ressort une danse parfois à l’aveugle. Plus d’une fois les interprète­s paraissent livrés à eux-mêmes dans ce paysage mental élaboré par Eliasson. Au final, on sort de cet opéra des corps passableme­nt sonné. A chacun de le décoder à sa manière. Philippe Noisette

Tree of Codes conception Wayne McGregor, du 3 au 23 février au Palais Garnier-Opéra national de Paris, Paris IXe

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