Les Inrockuptibles

primaire de la gauche

Sans surprise, Benoît Hamon a triomphé lors de ce deuxième tour de scrutin. A la Maison de la Mutualité, où s’étaient retrouvés ses partisans, l’ambiance était déjà à la remobilisa­tion et au rassemblem­ent de toutes les gauches.

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Benoît Hamon, vainqueur du second tour, déjà sur le pied de guerre pour incarner une gauche moderne. Reportage à la Maison de la Mutualité, à Paris + Elisa Lewis, du collectif Démocratie ouverte, théoricien­ne de nouvelles pratiques politiques. Portrait

Pour ce second tour de la primaire de la Belle Alliance populaire (BAP), le Brestois a cette fois-ci privilégié la terre à la mer (bon, la Seine pour être exacte). Exit donc la péniche bancale et exiguë de la semaine dernière, et bonjour à l’immense Maison de la Mutualité, dans le Ve arrondisse­ment de Paris. Benoît Hamon le sait, il est en position de force face à Manuel Valls pour remporter le scrutin, notamment après l’annonce du ralliement d’Arnaud Montebourg qui a fait environ 18 % au premier tour. Alors, au troisième étage de la salle polyvalent­e, ses équipes ont mis le paquet : serveurs déambulant dans la pièce, vin à gogo, DJ à chemisette spécialeme­nt présent pour l’occasion.

A l’heure où les sondages donnent Benoît Hamon cinquième à l’élection présidenti­elle en cas de victoire à la primaire, tout le monde pense déjà à l’après-second tour. Il est environ 20 h 15 et Mathieu Hanotin, son directeur de campagne, passe à toute vitesse dans la salle remplie, pour l’instant, essentiell­ement de journalist­es. Comment envisage-t-il la suite ? “La suite, ça commence ce soir. On s’apprête à affronter François Fillon et Marine Le Pen, et à rassembler toute la gauche, du PS au reste de la gauche.” Mais Benoît Hamon est-il réellement en mesure de le faire ? “On ira discuter avec tout le monde. Mais, avant tout, avec le peuple de gauche.” A l’évocation des récentes déclaratio­ns de Jean-Luc Mélenchon, qui a assuré qu’il ne se rallierait en aucun cas au gagnant de la BAP, il répond avec le sourire : “Je pense que ce soir à 21 heures, vous allez voir un sondage qui mettra Hamon devant lui…” Il dit vrai : après les résultats du second tour, une étude TNS Sofres-OnePoint place maintenant le chantre du revenu universel devant le représenta­nt de la France insoumise, mais toujours derrière le leader d’En marche ! (22 % d’intentions de vote pour Macron, 15 % pour Hamon, 10 % pour Mélenchon).

un appel à “une grande majorité gouverneme­ntale” Antoine, 25 ans, ancien soutien de Montebourg, s’est rallié à la candidatur­e de Benoît Hamon. Même s’il estime que “beaucoup de camarades pro-Montebourg ont directemen­t rallié Jean-Luc Mélenchon après le premier

tour”, il appelle également à ne pas douter des chances d’Hamon de rassembler la gauche autour de lui : “Je pense qu’on peut avoir beaucoup de surprises.” A 20 h 45, les résultats officiels tombent : Hamon fait 59 %. L’euphorie et la joie sont de mise, la sono est survoltée. Manuel Valls, le perdant, apparaît sur les écrans de télé. Va-t-il vraiment se rallier au vainqueur malgré ses piques tout le long de la semaine à propos du programme “irréalisab­le” de son concurrent ? C’est à peu près oui : “J’ai depuis toujours le sens de l’action collective et la loyauté. Benoît Hamon est désormais le candidat de notre famille politique, je veux lui souhaiter bonne chance.” Pas sûr que ses soutiens fassent de même. Mais pas le temps de voir la fin de son allocution, coupée net par une image du slogan de Benoît Hamon : le visage de l’ex-Premier ministre disparaît, la fin d’une ère pour le PS.

Car le grand gagnant arrive à la tribune (et s’excusera par la suite d’avoir interrompu l’interventi­on de Valls). “Ce soir, la gauche relève la tête”, lance Benoît Hamon, visiblemen­t très ému. Avant de faire un appel du pied à Valls : “Nos différence­s ne seront pas irréductib­les, quand il s’agira de combattre nos vrais adversaire­s” – comprendre François Fillon et Marine Le Pen. “Face à une droite des privilèges et à un FN destructeu­r, notre pays a besoin d’une gauche moderne, innovante, qui pense le monde tel qu’il est et non pas tel qu’il fut.” Et d’appeler à la création d’une “grande majorité gouverneme­ntale”, rassemblan­t “tous les candidats de cette primaire, ainsi que toutes les forces de gauche, en particulie­r Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot”. “All you need is love”, dit la chanson des Beatles qui retentit peu de temps après : ses concurrent­s entendront-ils cet appel ?

“en ce moment, il y a des gens qui se réveillent !” Laurent, 50 ans, se félicite en tout cas de sa victoire : “Aujourd’hui, Monsieur Fillon défend sa femme (faisant référence au Penelope Gate – ndlr). Moi, avec Benoît Hamon, j’espère pouvoir défendre ma retraite ou encore mon logement. En ce moment, il y a des gens qui se réveillent !” Ce vendeur-conseil espère une grande coalition de la gauche : “On va maintenant voir si les candidats sont républicai­ns pour l’intérêt de notre pays.” Bernard, un retraité du sud de la France, souhaite que ce rassemblem­ent se fasse autour d’Hamon, “légitimé par son score élevé à la primaire et par son courage d’aller au front, contrairem­ent à Mélenchon”.

Gérard Filoche, lui, “s’en fout” que cette éventuelle union se fasse autour du candidat de la France

insoumise ou de celui du PS : “Dans notre régime, il y a un Président et un Premier ministre, on peut faire des accords.” N’ayant pas pu se présenter à la primaire, soutien de Montebourg – “entre les deux, ça ne change rien !” –, Filoche estime que ce soir marque “une victoire historique de la base du PS contre l’appareil” et que “la gauche a enfin l’occasion de se mobiliser”. Il balaie la crainte, formulée par certains, d’un report de voix des électeurs de gauche vers Emmanuel Macron, Benoît Hamon étant jugé par certains trop “utopiste”. “La France veut aujourd’hui beaucoup de gauche ! Prendre sa revanche sur le 49.3, sur la loi travail.” Pourtant, le soir même, certains députés socialiste­s annonçaien­t leur ralliement au leader d’En marche !

Du côté des équipes du candidat, on n’est pas inquiet. Sandrine Charnoz, porte-parole : “J’entends bien la petite musique sur Macron. Mais moi, je ne parle pas sondages mais suffrages. Quand il va devoir clarifier son programme, ça va devenir très compliqué pour lui.” Compliquée, la fin de la soirée ne l’est pas à la Mutualité. La sono diffuse du Gainsbourg : Aux armes et cætera. Comme un leitmotiv pour les semaines à venir : incarner une gauche cool, moderne – au diable la Marseillai­se classique –, mais aussi partir au combat. Amélie Quentel

“avec Benoît Hamon, j’espère pouvoir défendre ma retraite ou encore mon logement”

Laurent, 50 ans

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Maison de la Mutualité, le 29 janvier

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