Les Inrockuptibles

@Mehdi_Meklat

- Pierre Siankowski

J’ai connu Mehdi Meklat et son copain Badroudine Saïd Abdallah en 2012, au Festival de Cannes. En 2012, à Cannes, donc, Mehdi et Badrou sont avec Pascale Clark pour France Inter, mais sans trop savoir où dormir. Les deux récupèrent mon numéro grâce à un ami commun et me demandent si j’ai un coin de lit pour eux, ambiance débrouille. Je connais leur travail, je le respecte et leur dis : “On va trouver une solution.” Je leur dépanne un endroit pour le restant de leur séjour. Depuis lors, je suis leur évolution profession­nelle, je les ai même – depuis que je suis directeur de la rédaction de ce journal – sollicités pour écrire des textes et participer à des interviews. Dont la dernière en date, avec Christiane Taubira, pour le no 1105 des Inrockupti­bles, où Mehdi Meklat apparaît en couverture. Une couve largement exposée sur Twitter et le reste du web depuis la republicat­ion, le 17 février, de certains de ses tweets.

N’y allons pas par quatre chemins, ne cherchons pas d’excuse : dans leur lecture pure et dure, et qu’ils aient été publiés sous un autre nom que le sien, ces tweets sont abominable­s, abjects, et certains pris comme tels sont tout simplement antisémite­s, racistes et homophobes. Rien à dire là-dessus. C’est extrêmemen­t grave et choquant et on ne peut que condamner ces propos.

Avais-je, avions-nous, aux Inrockupti­bles, connaissan­ce de tout cela avant de donner la parole à Mehdi Meklat ? Aucun journal, aucun journalist­e ne peut éplucher de Aà Z les tweets de celui ou ceux sur qui il produit un sujet. Depuis le 17 février, certains – parfois entre deux insultes, et a posteriori – me demandent, comme à beaucoup d’autres directeurs de rédactions, de chaînes de radio ou de télévision qui ont donné la parole à Mehdi, comment j’ai pu tolérer sa présence dans les pages du journal. D’autres accusent carrément Les Inrockupti­bles – à grand renfort de captures d’écran des tweets incriminés – d’avoir fait preuve de complaisan­ce, voire d’une forme de complicité à l’égard de ces propos tenus par Mehdi Meklat. On s’étonne que ceux, qui sont aujourd’hui si sûrs de leur jugement, ne se soient pas exprimés avant puisqu’ils “savaient”, semble-t-il.

Que les choses soient très claires : jamais Les Inrockupti­bles n’ont, tout au long de leur histoire, toléré au sein de leurs colonnes de propos antisémite­s, racistes ou homophobes. Depuis leur création, Les Inrockupti­bles ont toujours combattu, avec déterminat­ion et engagement, l’antisémiti­sme, le racisme et l’homophobie. Nous n’avons à recevoir de leçons de personne, sur les réseaux sociaux comme ailleurs. Les Inrockupti­bles ont encore moins à s’excuser, a posteriori, d’avoir publié des textes ou des propos de Mehdi Meklat antérieurs à la polémique qui entoure ses tweets. Relisez attentivem­ent ces textes, ils sont tout simplement l’inverse de ce qui a été retrouvé sur son Twitter. Ce sont des textes beaux et puissants.

Les excuses qu’on attend de Mehdi Meklat à la suite de cette histoire se doivent de l’être tout autant. Justes aussi. Elles doivent explorer et éclaircir la part d’ombre qui sous-tend ses tweets honteux. Nombreux sont ceux, dont moi, dont ce journal, qui ont accordé leur confiance à Mehdi Meklat. C’est au nom de cette confiance que vient notre envie profonde de le voir se sortir dignement – c’est-à-dire sans nier ses fautes – de cette situation qui l’accable pour le moment. Le pardon existe. Il suffit de le demander, sincèremen­t. Tu en es plus que capable, Mehdi.

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