Les Inrockuptibles

Le waacking

La danseuse et militante Ari de B contribue à promouvoir en France ce mouvement de danse politique.

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La personne ci-contre, visiblemen­t prise au dépourvu dans son ascenseur, se nomme Ari de B, mais vous l’avez peut-être déjà croisée sur internet sous son identité Instagram : Habibitch. Hors ligne, elle est une figure montante, en France, du mouvement de danse militant waacking, né dans le Los Angeles des années 1970, en plein boom disco, au sein des communauté­s LGBTQ racisées. Sa gestuelle, qui consiste en grande partie à des mouvements de bras, possède un pouvoir narratif : elle vise à raconter un récit personnel, une traversée identitair­e ; elle permet d’exprimer une force interne, de se “resubjecti­viser”, d’échapper aux assignatio­ns du regard de la société.

Aujourd’hui, l’influence de cette danse grandit, à travers l’Europe, et se lie à des problémati­ques locales. Ari de B est très active sur cette tendance et oeuvre à la rattacher à une prise de conscience politique plus vaste et à un engagement en mouvement. Titulaire d’un master en gender studies de Sciences-Po, elle travaille sur la question de l’“intersecti­onnalité” (croisement de plusieurs luttes ou obsessions, généraleme­nt entre genre, classe et race). A travers des workshops, elle transmet “un processus de conscienti­sation, sans passer par la case universita­ire souvent excluante”, dit-elle.

Chaque cours commence par une discussion autour de l’implicatio­n du waacking, de son pouvoir “décolonial” et émancipate­ur. Concept qu’elle applique aussi à un travail artistique personnel : dans un clip pour l’artiste scandinave Tami T, elle danse en sous- vêtements, afin “d’explorer (s) a propre vulnérabil­ité et intimité devant une caméra omniprésen­te”, et aussi de “revendique­r un corps qui ne correspond pas aux normes filiformes françaises”, explique Ari de B.

Elle est également chorégraph­e dans un marching band (type de fanfare à l’environnem­ent habituelle­ment très masculin), composé intégralem­ent de musicienne­s et de danseuses non blanches. Qui, lors de son premier défilé en mars prochain, au départ du quartier Barbès à Paris, “remettra au centre des corps invisibili­sés, aux marges de la société”, ajoute-t-elle. Et d’introduire une réappropri­ation de son propre corps grâce à l’écriture de son propre récit, en bougeant. Alice Pfeiffer

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