Temps gris sur Berlin
Si James Gray et Aki Kaurismaki confirment, si Alain Gomis éblouit, les grandes lignes et tendances de la Berlinale 2017 apparaissent plus que décevantes.
La sélection officielle de la Berlinale (en et hors compétition) est, depuis déjà longtemps (le début de ce millénaire), le point faible du festival – les journalistes et critiques de cinéma savent depuis longtemps que les films les plus intéressants se trouvent dans les sélections parallèles : le Forum et le Panorama. On ne va pas à Berlin pour la compétition, hormis deux ou trois films notables.
Aux deux tiers de cette 67e édition, on peut craindre que 2017 ne fasse pas exception à cette tradition navrante. Pire, on assiste à un effondrement évident de la qualité moyenne des films sélectionnés, même au Forum ou au Panorama. Quelques oeuvres sauveront la mise, mais certains films projetés ici ne mériteraient même pas de figurer dans la compétition d’un petit festival régional. Alors à Berlin, l’un des festivals les plus cotés au monde ?
Je pense notamment à The Party de Sally Potter, totalement anecdotique, qui n’a que son casting pour lui, comme ces films catastrophe ou policiers des années 1970 qui cachaient leur inanité sous une distribution prestigieuse. Alors oui, les fans de Kristin Scott Thomas, Cillian Murphy, Bruno Ganz ou Timothy Spall seront sans doute contents de les voir à l’écran (ils auront raison), mais il n’y a pas un seul plan digne de ce nom dans ce film méchant et sans vie.
Il ne s’agit pas de s’acharner sur Sally Potter, car on peut en dire autant de Final Portrait de Stanley
Tucci, où Geoffrey Rush s’adonne à un grand numéro de cabotinage en jouant Alberto Giacometti, ou Viceroy’s House de
Gurinder Chadha, un film informe avec une star de la télé, Hugh Bonneville, connu depuis longtemps mais devenu célèbre grâce à la série Downton Abbey. Même Sage femme
de Martin Provost, qui n’est pas indigne, compte en grande partie sur la performance de Catherine Frot et surtout de Catherine Deneuve. En bref, on a l’impression que le pouvoir a été délégué aux acteurs et que tout doit reposer sur eux et eux seuls, ce qui permet aux réalisateurs (ce ne sont pas des metteurs en scène) de n’avoir aucune vision, aucune idée de cinéma.
Le résultat, pour parler deux minutes de “géopolitique” du cinéma, c’est que Cannes paraît demeurer aujourd’hui, qu’on s’en réjouisse ou non, le seul festival européen digne de ce nom, attaché malgré tout à la forme, à la mise en scène, à une idée artistique du cinéma (même s’il est toujours possible de discuter le choix des sélections). Berlin et Venise baissent, Locarno n’a pas la force de frappe de Cannes et Toronto, son immense marché, sa récente compétition, grimpe, grimpe.
A l’heure où nous bouclons cette édition, le palmarès du festival n’est pas encore connu. Mais nous signalerons quatre films qui nous ont paru mériter leur place dans un festival de réputation élevée : Félicité d’Alain Gomis, ce que nous avons vu de plus ambitieux ici, Una mujer fantástica de Sebastian
Lelio, le magnifique The Lost City of Z de James
Gray (en avant-première) et le nouveau film d’Aki
Kaurismaki, L’Autre Côté de l’espoir. En attendant le nouveau Hong Sangsoo, que nous n’avons donc pas pu voir, On the Beach at Night Alone… Jean-Baptiste Morain
et aussi plus de détails sur les films cités et ceux du Panorama et du Forum sur
on a l’impression que le pouvoir a été délégué aux acteurs et que tout doit reposer sur eux et eux seuls