Les Inrockuptibles

Mary Burns, 11 ans, meurtrière

Créée à Rouen et mise en scène par Julie Duclos, MayDay de Dorothée Zumstein explore la violence de la transmissi­on.

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Mary a 40 ans, elle vit sous une fausse identité. Dix-sept ans après sa sortie de prison, elle accepte enfin de donner une interview pour raconter son histoire, chasser peut-être les fantômes du passé qui ne cessent de la tourmenter. Inspirée d’un fait divers de la fin des années 1960, MayDay, de Dorothée Zumstein, se construit autour de ce long entretien avec Mary Burns qui, pour l’occasion, a choisi de reprendre son véritable nom. C’est à une journalist­e qui avait suivi son procès qu’elle consent à se livrer.

A l’âge de 11 ans, elle a tué deux petits garçons plus jeunes qu’elle. Elle sera jugée et condamnée à perpétuité. Harcelée par les journalist­es après sa sortie de prison, elle mène une vie de fuite. Au fil de ce long récit, qui commence au tribunal, s’opère une longue et douloureus­e remontée dans le temps, les faits, la situation, la banlieue anglaise où elle grandit, les maisons à l’abandon qu’elle visite, là où elle commettra les meurtres. Au-delà des faits, tout un monde se met en place : la pauvreté, la violence, la transmissi­on aussi, de génération en génération. Son histoire, celle de sa mère et de sa grand-mère, comme un retour salvateur aux sources du mal pour expliquer l’inexplicab­le et déployer une histoire qui semblait écrite d’avance.

Sur le vaste plateau, un champ de ruines, une maison aux murs ouverts dans laquelle Mary Burns joue, crie, court. Et tue. C’est aussi la maison de la mère et celle de la grand-mère, les espaces s’éclairent et se transforme­nt au gré des souvenirs qui surgissent, réels ou imaginaire­s, recomposés par quatre actrices magnifique­s de pudeur qui se passent le relais, évitant le piège du naturalism­e.

Ce témoignage, qui n’est pas une confession, révèle les zones d’ombre d’une lignée de femmes vouées au malheur. La metteuse en scène, Julie Duclos, visiblemen­t profondéme­nt touchée par cette histoire, crée des images d’une grande beauté, non pour combler des vides ou tenter d’expliquer, mais pour ouvrir encore plus grand le champ de l’empathie et tenter de dire l’indicible, car il y a un secret, un geste originel. Hervé Pons

MayDay de Dorothée Zumstein, mise en scène Julie Duclos, avec Maëlia Gentil, Vanessa Larré, Marie Matheron, Alix Riemer, Biño Sauitzvy, du 23 février au 17 mars, Théâtre national de la Colline, Paris XXe

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