Les Inrockuptibles

Au-delà du reggae

Du 4 avril au 13 août, la Philharmon­ie de Paris propose Jamaica, Jamaica !, une expo-événement sur la diversité des richesses culturelle­s et musicales de l’île. Rencontre avec son commissair­e Sébastien Carayol.

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Comment est née l’idée de Jamaica, Jamaica ! ?

Sébastien Carayol – En 2013, j’ai fait une exposition pour la G aîté Lyrique, Say Watt !, sur le sound system de ses débuts, en Jamaïque, à son apparition dans les cultures urbaines comme le rap et, ensuite, dans l’art contempora­in. Marion Challier (coordinatr­ice de projets d’exposition­s de la Philharmon­ie de Paris – ndlr) est alors venue me trouver parce qu’à la Philharmon­ie, ils pensaient depuis quelque temps à une exposition autour des musiques jamaïcaine­s.

A quand remonte votre découverte de ces musiques ?

Au début des années 1990, j’étais plutôt dans le punk américain, le rap. J’aimais les choses avec un message et musicaleme­nt assez lourdes. Je ne trouvais pas ça dans le reggae qu’écoutaient mes potes, qui avait certes ce message militant, mais sur des musiques souvent très pop, édulcorées. Un jour, un sound system anglais est venu essayer ses enceintes au skatepark de Montpellie­r où je m’entraînais. Et là, j’ai découvert les vraies musiques jamaïcaine­s, leur puissance. C’est un puits sans fonds parce que, trente ans plus tard, je découvre toujours des artistes, des morceaux… Et, contrairem­ent à ce que pensent beaucoup de gens qui ne connaissen­t que le rocksteady ou Marley, le reggae couvre un champ très vaste de styles.

Pourquoi avoir intitulé l’exposition Jamaica Jamaica ! ?

Pour couvrir cette diversité justement. On y remonte le fil de production de la musique jamaïcaine, assez unique au monde, porté par les sound systems, et on fait des focus sur différents studios. Mais dans Jamaica Jamaica !, la dimension sociale et politique est aussi traitée. La Jamaïque a une cicatrice mémorielle de l’esclavage très présente encore aujourd’hui dans la société, et donc dans la musique.

L’idée de l’exposition est de faire une chronologi­e des mouvements musicaux mais aussi des mouvements sociaux et politiques. Elle comporte évidemment une partie sur Bob Marley et les Wailers. Ça me semblait important de raconter leur histoire à travers le quartier d’où ils viennent, Trenchtown. Ce quartier, construit dans les années 30, est alors assez innovant architectu­ralement, avec des habitation­s à loyer modéré et communauta­ires – chaque famille avait une chambre et un perron mais les cuisines et les toilettes étaient communes. C’est cette architectu­re qui a favorisé la naissance de tant de musique à Trenchtown : les gamins habitaient ensemble, jouaient de la musique ensemble. C’est comme ça que se rencontren­t les Wailers. propos recueillis par Anne-Claire Norot

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