Les Inrockuptibles

Face à l’inconnu

Le premier best-seller et une oeuvre plus récente de l’auteur de Chiisakobé, Minetarô Mochizuki, sortent quasi simultaném­ent. Du grand art. Son trait affermi par un encrage cristallin et des personnage­s – trop – poseurs nourrissen­t cette peinture touchan

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Les quatre volumes de Chiisakobé ont permis la redécouver­te de Minetaro Mochizuki en France. Son premier best-seller, Dragon Head, publié dès 2001 dans l’Hexagone et réédité en ce moment dans un format plus luxueux, aura d’abord installé cet auteur auprès d’un public amateur de récit de genre. Extrêmemen­t doué pour la mise en scène, Mochizuki se démarque alors des production­s plus impersonne­lles dès les premières pages. La claustroph­obie qui ronge les adolescent­s enfermés sous les décombres d’un tunnel suite à un accident de train contamine le lecteur grâce à un savant travail sur le découpage et le regard.

Les opus suivants, cultivant cette aversion pour l’inconnu et l’obscurité, provoquent de terribles pics d’angoisse. Dommage, cette expérience dans le divertisse­ment se délite passés quelques volumes suite à une divergence artistique avec l’éditeur. La seconde moitié de la série, quoique rythmée et cohérente, renoue avec l’académisme et laisse Mochizuki un peu amer.

A son issue, il s’exile chez un autre éditeur pour verser dans une écriture moins grand public et moins contrainte. Tokyo Kaido, trilogie dont le premier tome vient de paraître, s’inscrit parmi ces oeuvres de seconde partie de carrière. Les angoisses propres à l’auteur se conjuguent désormais à une excentrici­té de ton et une rigueur formelle caractéris­tiques de sa renaissanc­e. Là encore, des enfants plus ou moins livrés à eux-mêmes résistent aux angoisses primitives que provoque la prise de conscience de plus en plus aiguë de leur environnem­ent.

d’âmes immatures et pourtant coupées du monde à cause de troubles du comporteme­nt. Le souffle dramatique naît désormais d’une manière très calculée de condenser chaque scène en une image forte de peu de lignes. Un enfant en costume de superhéros agrippe le dos d’une camarade chaussée de grosses lunettes pour lui manifester son amour, le même enfant rebondit quelques pages plus loin sur le pare-brise d’une voiture après une chute de plusieurs mètres de haut. Le genre d’image qui ne fige qu’une fraction de seconde et semble durer une éternité. Christophe­r Bideau

Dragon Head volume 1 (Pika), traduit du japonais par Hiroshi Takahashi & Alexandre Tisserand, 448 pages, 18 € Tokyo Kaido volume 1 (Le Lézard noir), traduit du japonais par Miyako Slocombe, 216 pages, 15 €

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