Les Inrockuptibles

House of Malakai

Cette maison imagine des bijoux faciaux tribaux, alternatif­s et spirituels, les détournant de leur fonction de marqueur social habituelle. Alice Pfeiffer

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La personne ci-contre a paré son nez et sa lèvre inférieure de bijoux métallique­s scintillan­ts. Vous les avez peut-être aperçus sur la chanteuse Erykah Badu, qui les porte comme une extension de son identité punk et tribale. Ou encore sur le crâne de Beyoncé aux Grammy Awards 2017 ; la narine, le front et les oreilles de FKA Twigs lors du Met Gala.

Cette création provient du label House of Malakai, une maison anti-bling née dans l’esprit de mAlAkAi, artiste basé entre Bali, Berlin et Los Angeles. Cette créature ténébreuse se fait d’abord connaître en Californie, dans les scènes punk et gothiques de la fin des années 1990. Il découvre le costume sur les planches, en tant que performeur, DJ, mannequin et danse tantôt pour le cabaret bondage Torture Garden ou pour le Cirque du Soleil.

Sur scène, vêtements et accessoire­s prennent une ampleur narrative et performati­ve : ils s’attachent, bougent, accompagne­nt chaque mouvement et y ajoutent leur propre récit silencieux. En 2013, mAlAkAi décide donc de proposer des bijoux de tête tout aussi incarnés, en discussion visuelle avec le corps de celui qui les porte : ses pièces se clippent, se sanglent, traversent le nez et transperce­nt les lobes. Citant des objets religieux ainsi que des sous-cultures (steampunk, rétrofutur­isme, new age), son style se fait quasi cérémonial, et chaque pièce semble être le signe d’appartenan­ce à une tribu undergroun­d.

Surtout, il permet au bijou d’échapper à son sort en tant que marqueur social classique : voici une marque qui ne propose le bijou ni comme un signe de réussite profession­nelle masculine, ni comme une forme d’incarnatio­n de passivité féminine. Si Marilyn Monroe chantait “Diamonds are a girl’s best friend” et qu’Audrey Hepburn prenait son “breakfast at Tiffany’s”, cette joaillerie unisexe et no logo s’envisage plutôt comme une oeuvre intime et portative, un lien tangible et unifiant, d’une génération en quête d’appartenan­ces alternativ­es et d’espoir presque magique.

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