Un Frigo toujours frais

Le MAC Lyon consacre une rétrospective au collectif Frigo. Groupe phare de la culture alternative des années 1980, son impertinence est encore vivace.

Après La Station, artist-run space mis à l’honneur par la Villa Arson à Nice cet automne, c’est au tour d’une autre institution, le MAC Lyon de se souvenir d’une page de son histoire auto-organisée. Au seuil des années 1980 naît à Lyon le collectif Frigo, formidable incubateur d’irrévérence qui deviendra l’un des piliers de la contre-culture européenne.

Dans une fromagerie désaffectée du quartier de la Guillotière s’installent quelques trublions bien décidés à conquérir leur indépendance créative et économique. Leur univers était “façonné par la rapidité des tournages vidéo, l’unicité des performances, l’instantanéité des Polaroid, les tempi furieux du rock”, se remémore Alain Garlan, cofondateur du groupe, dans Rois de la forêt, la publication en forme de roman-souvenir qui accompagne l’exposition.

Télévision, art vidéo, radio libre (Radio Bellevue 95.8, qui revit sous la forme de Radio Bellevue Web dans le hall d’entrée), performance, musique, graphisme, tout y passe et dessine le rêve de la mise en réseau créative d’une Europe encore coupée en deux par le mur de Berlin. Viendront ainsi travailler entre ces murs des artistes venus de tous les horizons : Orlan, Régine Chopinot, Eva Ionesco mais aussi l’Allemand Dieter Appelt, l’Italien Fabrizio Plessi ou encore l’Anglais Michael Nyman.

Bien sûr, il est toujours épineux d’extraire des singularités d’un élan commun, et ce dont on se souvient surtout, c’est quelques grands “coups” qui vinrent porter l’exultation du groupe aux yeux éberlués du monde. Beaubourg, le musée d’Art moderne, la Documenta 8, les studios de TF1 n’échapperont pas à l’urgence de réveiller “un réel trop lent et mou”. Au MAC Lyon, le premier étage de la rétrospective joue ingénieusement la carte de la saturation visuelle : les écrans cathodiques crépitent, le studio d’enregistrement bruite et les affiches nous interpellent à pleine bouche. Qu’on se rassure : les corps exultent toujours. I. L.-G.

Frigo Generation, 78/90 jusqu’au 9 juillet au MAC Lyon