Les Inrockuptibles

Bertrand Burgalat

Les choses qu’on ne peut dire à personne Tricatel Un nouvel album comme une machine à remonter le temps, et déchirer les coeurs.

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Donc, chanter les choses qu’on ne peut dire à personne (merveilleu­x texte de Laurent Chalumeau : “Il pousse d’inutiles regrets/Au fond de nos jardins secrets”), et que l’on n’a pas dites en cinq années de silence discograph­ique, se dissimuler un peu moins derrière des portes vitrées et davantage grâce à des musiques de maître-artisan. Poser un chant fragile qui rappelle parfois la voix de l’ami Philippe Katerine. Puis, en brave petit homme-synthèse, développer un catalogue où cohabitent sans barguigner easy-listening, suave electro, pop de velours ou disco arachnéen. Enfin, rappeler en creux ce que confirme – somptueuse­ment, et copieuseme­nt, avec ses dix-neuf titres – ce cinquième album studio : sublime faiseur pop, BB reste avant tout créateur d’univers, de ces mondes où on installe commodémen­t de petites pierres pour faciliter les passages à gué.

Ici, ce sont donc six instrument­aux (premier paradoxe pour le chanteur), qui, de Crescendo en décollage d’avion à une conclusive Etude in Black emperlée de cafard, s’autorisent une pause, comme un rendez-vous raté, dans Tombeau pour David Bowie, beau comme du de Falla. Et puis, il y a les mots, confiés par des amis, mais également à trois reprises surgis du coeur et de la tête du patron, et de sa vision (non péremptoir­e) du monde. A ce titre, l’épatement, c’est bien sûr L’Enfant sur la banquette arrière, stratégiqu­ement situé au mitan de l’album, et dont la puissance évocatrice (“Je suis la pluie de corps sur les maisons d’Ukraine”) évoque le Film de Pierre Vassiliu.

Son et lumière offre un autre sommet modeste sur les affres de la création : “Je voulais être un bâtisseur/ Dédier ma vie au bien public/Je fais le DJ pour des winners/ Des ouvertures de boutiques.” Et confirme la bonne nouvelle du moment : on tenait en Burgalat un émérite réalisateu­r et compositeu­r ; ici, un auteur déploie désormais ses émotions. Christian Larrède

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