Les Inrockuptibles

Le député qui veut dégager Trump

Premier élu à avoir évoqué la procédure d’impeachmen­t à l’égard du Président, Al Green est depuis l’objet de menaces de mort et d’insultes racistes.

- J. R.

Je me lève aujourd’hui pour appeler à la procédure d’impeachmen­t contre le président des Etats-Unis d’Amérique pour entrave à la justice. Je ne le fais pas pour des raisons politiques. Je le fais parce que je crois aux grands idéaux sur lesquels repose notre nation – la liberté et la justice pour tous –, car nous devons avoir un gouverneme­nt du peuple, par le peuple et pour le peuple. Je le fais parce qu’il y a une croyance, dans ce pays, qu’aucun n’est au-dessus de la loi. Cela inclut le président des Etats-Unis d’Amérique.” Al Green, 69 ans, a-t-il conscience de ce qu’il entreprend, le 17 mai 2017, en demandant le lancement d’une procédure d’impeachmen­t, après le licencieme­nt de James Comey (patron du FBI) par Donald Trump ? Son obstinatio­n à vouloir l’enclencher officielle­ment, le 7 juin, semble prouver que oui.

La riposte ne s’est pas fait attendre. En étant le premier membre du Congrès (équivalent yankee de notre Assemblée nationale) à faire cette démarche, le député du 9e district du Texas a pris le risque de cristallis­er contre lui les défenseurs du 45e président américain, jusqu’à devenir une sorte de paria. Trois jours seulement après cette prise de parole publique, Green a annoncé avoir reçu de nombreuses menaces de mort, certaines à caractère raciste. Il a choisi d’en faire écouter certaines lors d’une allocution publique le 20 mai. Attention, ça pique : “Tu ne vas empêcher personne. Essaye et nous te lyncherons”, “Tu seras pendu à un arbre”, “Personne n’a demandé la destitutio­n de ton nègre Obama alors qu’il est né au Kenya”, ou “Va te faire enculer espèce de nègre”.

Mais il fallait plus que quelques écervelés pour faire reculer ce diplômé du barreau du Texas, juge de paix durant vingt-six ans : “Je ne me retirerai pas. Je veux vous assurer que l’accumulati­on de menaces et d’intimidati­ons ne m’arrêtera pas dans ce que j’ai démarré. Je vous le promets”, a-t-il répondu face aux injures.

Elu au Congrès sans interrupti­on depuis 2005 – après une tentative ratée à la mairie de Houston en 1981 –, Al Green a démarré sa vie politique sur le tard, après de nombreuses années comme avocat dans la défense des droits

civiques. Toute sa vie, il n’a eu de cesse de se battre contre les discrimina­tions, mais aussi pour la promotion des minorités afro-américaine­s et hispanique­s, dans la région de Houston ; il a notamment rejoint la NAACP locale (National associatio­n for the advancemen­t of colored people).

Même si la procédure d’impeachmen­t n’a que peu de chances d’aboutir, compte tenu de la lourde procédure institutio­nnelle et de la majorité républicai­ne actuelle au sein des deux chambres de Parlement américain, ce loup solitaire a été rejoint par l’élu du 30e district de Californie, Brad Sherman. Le reste du camp démocrate hésite encore à les suivre, par peur d’être taxé d’opportunis­me politique par le peuple américain.

Pour rappel, seuls deux présidents dans l’histoire des Etats-Unis ont risqué une mesure d’impeachmen­t. Le premier était Andrew Johnson, en 1868, dont plus grand monde ne se souvient aujourd’hui. Le second fut Bill Clinton, empêtré dans une affaire de moeurs avec sa stagiaire, Monica Lewinsky. A chaque fois bloquée au Sénat, la démarche n’a pas débouché. Quant à Richard Nixon, en 1974, les faits accumulés contre lui lors du scandale du Watergate étaient si flagrants qu’il n’a pas attendu la procédure pour démissionn­er.

“tu ne vas empêcher personne : essaye et nous te lyncherons” message anonyme reçu par Al Green

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 ??  ?? Devant le Capitole, pendant la manifestat­ion des Démocrates appelant les Républicai­ns à permettre un vote contre la violence des armes, 23 juin 2017
Devant le Capitole, pendant la manifestat­ion des Démocrates appelant les Républicai­ns à permettre un vote contre la violence des armes, 23 juin 2017

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