Les Inrockuptibles

Breitbart, le soutien de Trump en train de couler

Le site ultradroit­ier, qui a porté Trump jusqu’à sa victoire à la Maison Blanche, voit ses audiences et ses revenus publicitai­res s’effondrer à cause des péripéties du Président élu. Mathieu Dejean

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Souvenez-vous, c’était il seulement sept mois, Donald Trump venait d’être élu 45e président des Etats-Unis, son directeur de campagne, le gourou de la com Steve Bannon, était salué comme l’artisan de sa victoire, et derrière lui, le site qu’il dirigeait, Breitbart News, cartonnait avec 37 millions de visiteurs uniques par mois. Le monde découvrait alors cette antichambr­e médiatique du trumpisme, qui a martelé les idées-forces du candidat républicai­n en surfant sur les peurs des Américains, quitte à distordre la réalité, faisant entrer dans le vocabulair­e courant le terme “fake news”.

Ses titres ignominieu­x contre les femmes, les immigrés ou les musulmans, tout comme ses prises de position en faveur des climatosce­ptiques, semblaient parodiques : “Comment des immigrés musulmans ont dévasté un village”, “La contracept­ion rend les femmes moches et folles”, “Changement climatique : le canular qui nous coûte 4 milliards par jour”… Mais il n’en était rien.

Le New York Times s’étonnait de sa percée inopinée dans le paysage médiatique : “Ce site d’opinion et d’informatio­n, qui était hier encore une curiosité d’extrême droite, est maintenant une voix de plus en plus puissante et un point de rencontre virtuel pour des millions de conservate­urs mécontents qui ont propulsé Donald Trump candidat des Républicai­ns à la présidence.” La marge était devenue mainstream outre-Atlantique.

Mais alors que Donald Trump fait face à une levée de boucliers de plus en plus massive, notamment depuis sa décision de sortir des accords de Paris sur le climat, Breitbart vacille, comme un symbole. “Les publicités sur Breitbart chutent de presque 90 % en trois mois, alors que les problèmes de Trump se multiplien­t”, constate le site anglais Digiday. Les chiffres sont éloquents : entre novembre 2016 et avril 2017, les audiences du site fondé par Andrew Breitbart en 2007 ont chuté de 53 % selon l’outil de mesure comScore, et il n’y avait plus que 26 marques qui s’affichaien­t sur ses pages en mai, contre 242 en mars, d’après le logiciel MediaRadar.

En cause, des campagnes militantes encouragea­nt les annonceurs à boycotter le site, et ainsi à le priver de revenus. Les plus actifs de ces activistes 2.0, baptisés les Sleeping Giants, se sont assignés pour mission d’“arrêter la propagatio­n d’informatio­ns racistes, sexistes, homophobes et antisémite­s, en faisant fuir les annonceurs”. Pour cela, ils interpelle­nt massivemen­t les marques présentes sur Breitbart, et qui ignorent souvent la teneur des contenus publiés. Elles seraient 2 200 à avoir obtempéré.

En conséquenc­e, là où de grandes firmes comme Mercedes-Benz, Hewlett-Packard ou encore Kellogg’s s’exposaient à l’audience de Breitbart en début d’année, il n’y a plus désormais que des publicités ciblées, et sensibleme­nt connotées politiquem­ent, comme pour American Patriot Daily. Les activistes ne crient cependant pas victoire, alors que Google ou Amazon s’accrochent au vaisseau amiral de l’extrême droite américaine, et que le magnat Robert Mercer en reste l’un des principaux mécènes. Un des organisate­urs des Sleeping Giants confie ainsi : “Pour nous, la victoire signifiera­it que des entreprise­s comme Google et Taboola (…) mettent davantage l’accent sur l’éthique que sur les profits.” En attendant, l’hôte de la Maison Blanche mesure peut-être à l’aune de la déconfitur­e de Breitbart à quel point les mobilisati­ons populaires peuvent entraver son mandat.

alors que Trump fait face à une levée de boucliers, Breitbart vacille

 ??  ?? Manifestat­ion contre Breitbart, organe d’informatio­n soumis à Trump
Manifestat­ion contre Breitbart, organe d’informatio­n soumis à Trump

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