Les Inrockuptibles

Le festival engagé

C’est le militantis­me, dépoussiér­é et aussi hype que conscient, qui fait désormais bouger les millennial­s loin de leurs écrans.

- Alice Pfeiffer

Cette femme au nail art digne de Michel-Ange est la performeus­e et chanteuse Big Freedia, que vous avez peut-être aperçue dans le clip Lemonade de Beyoncé. Cet été, elle apparaîtra à Paris sur la scène du festival Afropunk, pour mettre en avant le mouvement bounce, une danse queer et afro-américaine se battant contre bon nombre de carcans sociaux et dont elle est la figure de proue. “Montrez votre soutien aux causes gay, montrez votre fierté, votre joie, votre liberté”, s’exclame Big Freedia sur Instagram. Afropunk soutient lui aussi une prise de conscience dans l’entertaine­ment, et en fait même le coeur de sa communicat­ion. L’événement est dédié aux musiques noires et se veut “sans homophobie, sans sexisme, sans jeunisme, sans racisme”. Aux concerts viennent s’ajouter des conférence­s et des prises de parole en direction de la jeunesse.

Afropunk n’est pas le seul festival à utiliser la musique pour mettre en avant une réflexion et un engagement social. Loud & Proud, festival soutenant les cultures LGBT, propose également tables rondes et débats autour de thèmes évoquant le milieu de la nuit et de la scène d’un oeil critique, tels que “la décolonisa­tion du dance-floor”. Le but ? Soutenir une conscience dite intersecti­onnelle, croisant les enjeux genrés, racisés et de classe. Et cette tendance est en pleine floraison.

Partout, les festivals enfilent une double casquette de divertisse­ment et d’activisme. Depuis 2011, Nuits sonores, à Lyon, s’est allié à European Lab, plate-forme de débats lancée avec le soutien de l’Union européenne, autour de thèmes politiques et culturels engagés. En Amérique, le Polipalooz­a est organisé dans le but de faire voter la jeunesse. A Washington DC, le Broccoli City Festival se bat pour les causes écologique­s et organise des levées de fonds pendant la durée des festivités.

Une tendance, une prise de conscience ? Sûrement. On peut aussi voir là un revirement dans la façon qu’ont les millennial­s de consommer. Après des années de sexe et de provocatio­n utilisés pour captiver l’attention de la génération précédente, le “think tank” The 8 Percent ou le journal The Guardian tendent à affirmer que le porno chic d’antan serait devenu désuet à l’heure d’internet, et que le militantis­me jouirait d’un renouveau plus hype que jamais (cf. les tubes engagés de Kendrick Lamar, Beyoncé, Solange…). Dépoussiér­ée et associée à une nouvelle communicat­ion pop, la prise de conscience chez la Génération Z serait fédératric­e, une forme de validation et de valeur ajoutée – sans rien perdre de son lifestyle habituel. Espérons que les causes défendues ne passeront pas aux oubliettes d’ici la saison prochaine.

Loud & Proud du 6 au 9 juillet à Paris (Gaîté Lyrique) Afropunk les 15 et 16 juillet à Paris (parc de la Villette)

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