Les Inrockuptibles

La Madre d’Alberto Morais

Film social tenu et tendu, sur un ado livré à lui-même, dont la sécheresse fait au final toute la puissance stylistiqu­e.

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Miguel, 14 ans, vit avec sa mère inactive et indifféren­te, incapable d’élever son fils ou même de le nourrir. Pourtant, il refuse d’être placé en foyer d’accueil. Ce drame espagnol, sur l’expérience de survie d’un ado solitaire livré à lui-même, n’est pas hyperaimab­le. Mais en même temps, il a une vraie tenue et de la rigueur. Il évite pathos et clichés.

Si c’est potentiell­ement un mélo à la Dickens ou à la Dardenne, il n’y a pas de place ici pour le lyrisme ou le sentimenta­lisme. Pas même d’enjeu dramatique très évident. Cela se réduit à l’aventure urbaine d’un ado en roue libre qui recourt au vol, aux petits boulots, et tente de trouver sa place en s’incrustant à droite à gauche. Cela n’empêche pas une vraie pertinence dans le constat social, ainsi que dans les contextes et situations observés qui sonnent toujours juste.

Certes, on peut déplorer qu’à force de rigueur et de retenue, d’absence presque totale de moments de grâce et de lâcherpris­e, de refus d’une forme de rédemption quelconque, le film paraisse à la longue monocorde, voire rebutant. Mais un mélodrame en creux, fondé sur la rétention, recèle une part de mystère qui reste préférable à toutes les dégoulinad­es lyriques. De plus, le fait que ce tableau modérément fataliste de la dérélictio­n ordinaire, étayé par une dramaturgi­e antispecta­culaire et factuelle, soit dénué d’accentuati­on et de tonalité, permet de faire ressortir le cadre et l’environnem­ent hyper-convaincan­ts (magasins, lycée, travail), et de focaliser l’attention sur le comédien principal, le prometteur Javier Mendo, qui est de tous les plans. Vincent Ostria

La Madre d’Alberto Morais, avec Javier Mendo, Laia Marull (Esp., 2016, 1 h 27)

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