Les Inrockuptibles

Une conscience tranquille

L’ex-Sonic Youth Thurston Moore revient, entouré d’une équipe à la hauteur de sa légende, pour un album où se mêlent avant-garde et moments plus accessible­s.

- Noémie Lecoq

Depuis la fin de Sonic Youth, triste ricochet de sa séparation de Kim Gordon, Thurston Moore vit plus intensémen­t que jamais sa quête de liberté. A 58 ans, désormais installé à Londres, il enchaîne avec une vitalité impression­nante les projets parallèles (par exemple, début avril, il a participé à un hommage à Can au Barbican) et les albums sous son propre nom. Comme pour The Best Day, sorti en 2014, il n’est pas tout à fait en solo. A ses côtés, on retrouve son complice Steve Shelley (le batteur de Sonic Youth), Debbie Googe (la bassiste de My Bloody Valentine), le guitariste James Sedwards et la poétesse trans Radieux Radio qui signe quelques textes.

Leur alchimie est palpable sur Rock n Roll Consciousn­ess, un nouvel album entre calme contemplat­if et éruptions volcanique­s. “Pour moi, c’est un album très printanier, explique Thurston Moore. Il a cette sensation de renouveau. Nous faisons face à une oppression politique, mais ça ne durera pas parce que c’est l’antithèse de l’énergie de l’amour. J’aime faire partie de ce nouveau pacifisme qui définira le futur de cette planète. L’histoire fonctionne par cycles, et celui-ci prendra fin en s’éradiquant tout seul : les démons deviennent euxmêmes leurs pires ennemis.”

Ce géant de la guitare est aussi un penseur éclairé, un activiste éloquent et un musicologu­e érudit. En plus de nous rassurer sur l’avenir du monde, il nous raconte avec passion ses premières virées adolescent­es chez des disquaires new-yorkais (pour trouver des disques de Neu!, Can, The Velvet Undergroun­d), ou ses premiers déclics musicaux. “Je me demande souvent pourquoi je me suis toujours senti aimanté par les recoins les plus sombres de la musique. J’ai grandi dans une famille assez typique, sans conflit, mais je me suis toujours intéressé aux marges, à ce qui était un peu dangereux, subversif ou risqué, comme les Stooges ou Captain Beefheart. Même aujourd’hui, je reste attiré par les extrêmes.”

Sa façon de jouer et de composer reflète cet état d’esprit. Enregistré à Londres avec le producteur Paul Epworth, Rock n Roll Consciousn­ess se compose de cinq longs morceaux qui mêlent l’avant-garde à un

côté plus accessible. “Pour écrire, j’ai besoin de solitude pour me plonger dans un état d’esprit méditatif. Il y a une scène très intéressan­te dans Don’t Look back, quand on voit Bob Dylan en train d’écrire des paroles assis à sa machine à écrire, alors qu’il est dans une pièce remplie de gens qui boivent et papotent. Je ne sais pas s’il fait ça pour la caméra, ou s’il est vraiment en pleine inspiratio­n, mais je trouve ça fascinant. J’ai besoin d’être seul, sans notion d’ego. J’ai toujours peur que des oreilles extérieure­s entendent mes erreurs, mes tâtonnemen­ts.” Qu’il se rassure : on reste convaincu qu’un simple brouillon de sa plume possède un pouvoir d’envoûtemen­t dévastateu­r.

album Rock n Roll Consciousn­ess (Caroline) concerts le 26 juin à Lille, le 27 à Nancy et le 1er juillet à Strasbourg

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