Les Inrockuptibles

Firmin Viry Maloya Ocora/Pias Danyèl Waro Monmon Cobalt/Buda

Entre la réédition d’un album du pionnier Firmin Viry et le nouveau disque brûlant de Danyèl Waro, on se jette dans les délices ternaires du maloya.

- Stéphane Deschamps

En juin, tous dans l’océan Indien. Avant le grand plongeon du 15 au 18, pour le festival Rio Loco de Toulouse, qui consacre toute sa programmat­ion aux musiques de là-bas, on peut préparer le voyage avec deux disques bons comme des guides – spirituels plus que touristiqu­es.

D’abord, la réédition d’un incunable de la musique réunionnai­se : l’album Maloya du fier pionnier Firmin Viry (il fut le premier à jouer du maloya en public, en 1959). C’est un impeccable classique, joué et chanté en famille. De la musique dans la cour, de dimanche matin ensoleillé, pour les lève-tôt qui ont un festin à préparer. Quand ces chansons sont enregistré­es, en 1998, Viry a déjà quarante ans de maloya derrière lui et il est au sommet de son art terrien.

Mais c’est un autre Réunionnai­s qui a porté le flambeau du maloya aux yeux et aux oreilles du monde : Danyèl Waro dont Monmon est le septième album studio et l’un de ses tout meilleurs, des plus ardents. Rien de nouveau pourtant, un maloya acoustique, traditionn­el, toujours transcendé par le chant intranquil­le et la quête spirituell­e de Waro.

Il n’y a jamais eu grand-chose à jeter, à élaguer, dans les albums de Waro. Et encore moins dans celui-là. Musique de corps et d’âme, de muscles et d’esprit. Ses musiciens affinent la science des rythmes ternaires et la précision des arrangemen­ts. Les percussion­s sont fermement effleurées, dans un geste vif, rapide et dense, comme si elles risquaient de brûler la main du musicien. Et là, on se souvient que Waro pratique la marche sur le feu et qu’il approche la musique pareil.

Les choeurs sonnent particuliè­rement rond et capitonné, comme une forme de doo-wop pour adoucir le chant écorché, escarpé, de Waro. Cette musique est une braise, un futur incendie que le souffle des choeurs réveille toujours.

Les chansons s’allongent, flirtent avec les dix minutes. Le grand mouvement créole s’entend partout, dans l’origine du maloya bien sûr, mais aussi dans une reprise de Brassens, ou ici et là dans l’évocation du falsetto pygmée, des crotales gnaouas et d’un steel-drum caribéen.

Une musique de la relation plus que des racines, comme l’explique Bertrand Dicale dans son tout récent Ni noires ni blanches – Histoire des musiques créoles, un livre tourneboul­ant d’intelligen­ce.

concert Danyèl Waro, les 15 et 18 juin à Toulouse (festival Rio Loco)

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Danyèl Waro
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