Les Inrockuptibles

Comment ca finit les séries ?

Showrunner­s, acteurs et spectateur­s racontent dans un documentai­re passionnan­t le traumatism­e qu’est la fin d’une série.

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Tony Soprano est attablé avec sa famille autour d’un bol d’onion rings dans un restaurant du New Jersey. Les allées et venues donnent l’impression que le bedonnant parrain est cerné. Lorsque la cloche de l’entrée retentit, il jette un regard hébété. S’ensuit un écran noir de dix secondes. Dix ans après sa diffusion, cette interrupti­on brutale qui clôt les quatre-vingt-six épisodes de la série de David Chase hante encore les fans des Soprano. Ce n’est pas la seule.

Du téléspecta­teur qui estime s’être fait “voler six ans de sa vie” après la fin de Lost à l’acteur et producteur Patrick McGoohan, contraint de se réfugier quinze jours dans des montagnes après celle du Prisonnier, la conclusion d’une série télévisée se révèle souvent un moment douloureux à vivre. Dans un documentai­re passionnan­t multiplian­t les perspectiv­es (historique­s et contempora­ines) et les points de vue (du scénariste au simple spectateur), Olivier Joyard (collaborat­eur des Inrockupti­bles – ndlr) questionne l’épineux problème de la fin des séries.

Pour Serge Hefez, la fin d’une série n’est pas une séquence émotionnel­le ordinaire. Le psychanaly­ste compare ce sentiment à celui d’un deuil qui laisse parfois un profond sentiment d’injustice. Après avoir longtemps regardé une série télé, vous nouez une relation affective avec les personnage­s qui la composent. “Avec certaines séries, nous entretenon­s des relations qui dépassent la durée de celles dans la vraie vie, confie ainsi Matt Zoller Seitz, critique de séries au New York Magazine. Je crois que je connais mieux la biographie des personnage­s de Mad Men que celle des membres de ma famille”. Omnipotent, le réalisateu­r (voire le producteur quand les audiences ne sont pas au rendez-vous) peut décider à tout moment de mettre un terme à cette relation affective. Au grand désespoir des fans.

Cette responsabi­lité immense, les showrunner­s la ressentent sur leurs frêles épaules. Vince Gilligan (Breaking Bad) ou encore Alan Ball (Six Feet under) reviennent sur les tergiversa­tions par lesquelles ils sont passés au moment de mettre un point final à leurs créations. Même si, parfois, des fans refusent de couper le cordon.Damon Lindelof confesse qu’il a connu une “période de dépression” suite au torrent de critiques qu’il a reçu sur les réseaux sociaux après la fin de Lost. “Certains n’ont pas trouvé ce qu’ils espéraient avec cette fin mais j’ai aujourd’hui compris que ça n’a rien à voir avec moi”, explique le showrunner. A croire que certaines séries ne sont pas faites pour s’arrêter… David Doucet

Fins de séries d’Olivier Joyard. Jeudi 15 juin, 22 h 40, Canal+

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