billet dur
J’ai été déçu de ne pas te voir au salon des youtubeurs, l’autre jour, entre une apprentie cagole experte en tutos de maquillage de pute et un humoriste posthanounien déguisé en phoque, parce que “phoque les pédés PTDR mes p’tites beautés”. Ta place est là désormais Michalon, depuis que ta philosophie en pavés de cinq cents pages, dont personne ne venait à bout, a avantageusement été remplacée, depuis la rentrée 2016, par Michel Onfray TV, une chaîne à ta gloire (genre “Normale sup fait des vidéos”, Aristote 2.0) où tu soliloques sur tout et n’importe quoi, avec une préférence pour le n’importe quoi.
Je t’aurais bien vu parmi les jeunes avides d’autographes et de selfies avec les stars numériques. Tu aurais pu occuper un stand aux côtés de Florian Philippot et Alain Soral, tes collègues de la réacosphère à haut débit d’insanités, distributeurs de vérités alternatives en autogestion de temps de parole. J’ai pas eu le courage de m’abonner à ta chaîne, j’avoue, j’ai déjà Netflix pour les séries anxiogènes et les scénarios catastrophes, et faut avouer que t’es quand même moins marrant que le plus laborieux des comiques de webcam.
J’ai toutefois pu voir des extraits : j’ai bien aimé quand tu donnes ta recette du couscous athée au cochon de lait, ou quand tu te livres à un unboxing de tes cadeaux de Noël (le PQ Sigmund Freud, ceci dit, c’est un peu limite), ou encore ce cours de yoga libertin-libertaire avec ton copain Raël en collants moule-bite. Bon, comme la télé sur internet ne remplit qu’à moitié le frigo et que l’ascète revendiqué que tu es ne crache pas non plus sur un bel à-valoir, tu t’obstines à publier des livres en papier. Et à accorder, à leur sortie, des interviews qui t’ont valu pas moins de trois couvertures d’hebdo la même semaine. A Valeurs actuelles, ils t’ont envoyé André Bercoff, le Dédé la saumure du trumpisme, un vieux croûton qui a trempé dans toutes les pissotières idéologiques, avant de se noyer à la droite de la droite décomplexée, tel un glaçon dans le pastis. Echange sans intérêt, vous étiez à peu près d’accord sur tout, et La Cour des miracles, le titre de ton recueil de chroniques, semble avoir provoqué des turgescences inespérées chez ton interlocuteur.
C’est dans L’Obs que tu as sans doute proféré le plus de conneries au nombre de pages, parlant de “simulacre de démocratie”, à propos de la dernière élection, et détaillant une absurde thèse complotiste à base de “dispositif” élaboré en haute sphère depuis le départ, pour asseoir Macron dans le fauteuil suprême. Je ne veux pas te faire de peine, mais j’ai dans ma famille un arrière-grand-oncle alcoolique et paranoïaque qui pense exactement pareil, mais s’abstient de proférer de telles sottises conspirationnistes hors de sa chambre à décuver.
En baptisant François Hollande Sphincter 1er (“parce qu’il se répand partout”) ou en qualifiant Benoît Hamon de “roi crétin”, tu n’as en revanche pas tiré le moindre LOL à ma nièce fan de youtubeurs (finalement, c’était pas une bonne idée le salon), laquelle s’est posée cette question à l’approche d’entrer en terminale : “C’est toujours aussi con, la philo ?”
Je t’embrasse pas, je t’enverrai un gif de chat qui pète.