Les Inrockuptibles

Baywatch de Seth Gordon

Malgré un charme léger et sexy, cette adaptation de la série télé nineties abuse de l’autoparodi­e.

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Pendant cinq à dix minutes, on y a cru. Une intro en état de grâce, comme une quête immédiate de pureté dans l’adaptation, un départ tonitruant en plein dans le mythe plagiste : Malibu Beach cramée de soleil, plans et gestes emblématiq­ues, sublimés, jumelles scrutant le large, course en slow-mo entre les aoûtiens, corps beaux, bruns, affriolant­s, et puis ce plan-titre génialemen­t grotesque d’un Dwayne Johnson émergeant de l’eau comme un demidieu à sourire Colgate, les immenses lettres “BAYWATCH” apposées derrière lui sur l’horizon.

Bref, de quoi pressentir avec excitation ce que ce reboot improbable ne nous laissait qu’espérer à demi-mot : un film qui à l’instar d’un Magic Mike XXL dénicherai­t à la lisière de la vulgarité un érotisme totalement paradisiaq­ue, solaire, heureux, beauf à souhait mais peu importe.

Or Baywatch, il fallait s’y attendre, ne tient pas la distance, et adopte assez tôt un autre rythme de croisière : léger et sexy, tout de même, mais surtout comique, comme s’il n’était pas permis de toucher à ce gros machin ringard d’Alerte à Malibu sans pour autant s’en moquer. Seth Gordon a donc produit un objet qui ressemble moins à son adaptation qu’à son “Scary Movie”. Baywatch, c’est de la parodie, et même de la parodie au carré : un humour de la scène foirée, du clin d’oeil ouvertemen­t maladroit, du ratage rigolo. Si l’intrigue (Mitch Buchanan et son équipe de maîtres-nageurs s’attaquent à un réseau mêlant cartels, magnats immobilier­s et politicien­s corrompus) tient tant du gag, de la quasi-série Z, c’est que le film est résolu à s’imposer chez les inconditio­nnels du so bad it’s good entre deux épisodes de Sharknado.

Le Baywatch au premier degré, sincère et sensuel, léger mais pas clownesque, n’aura donc pas lieu : contentons-nous de cette resucée conviviale, misant non sans succès sur le capital sympathie du doux colosse The Rock (meilleure scène : une baston dans une chambre de petite fille), et tâchons d’oublier le rendezvous manqué. Théo Ribeton

Baywatch de Seth Gordon, avec Dwayne Johnson, Zac Efron (E.-U., 2017, 1 h 59)

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