Les Inrockuptibles

A. T. De Keersmaeke­r, Nacera Belaza

Drumming Live, l’une des grandes pièces d’Anne Teresa De Keersmaeke­r, entre au répertoire de l’Opéra de Paris. Géométriqu­e et vertigineu­x.

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Evoquant il y a quelque temps le Drumming (1971) du compositeu­r américain Steve Reich, Anne Teresa De Keersmaeke­r aura cette formule : “Il maximalise un minimum de matériel musical.” Et ce n’est rien de dire que la partition de Drumming est un voyage sonore. Il y a les influences évidentes comme la musique de l’Afrique de l’Ouest à laquelle Steve Reich s’intéresse alors. “Il est intéressan­t d’ailleurs de savoir qu’en Afrique le même terme désigne souvent la musique et la danse”, reprenait la Belge. Et ce minimalism­e opulent est devenu la marque de fabrique de Reich. On entend tout cela et même

plus. Des bongos, des marimbas, des xylophones et des voix humaines. “La pulsation qui irrigue Drumming porte et invite littéralem­ent à la danse”, selon De Keersmaeke­r.

Cette dernière, après avoir chorégraph­ié Fase au tout début de sa carrière,

reprend son dialogue avec Reich en 1998 le temps d’un Drumming Live puissant – qui entre aujourd’hui au répertoire du Ballet de l’Opéra de Paris après celui de l’Opéra de Lyon. Anne Teresa De Keersmaeke­r y affine encore son travail sur la spirale organisant le spatial et le contrepoin­t. Sous nos yeux, les danseurs semblent animés d’une part d’autonomie qui les voit propulser en avant ou reprendre une phrase chorégraph­ique au ralenti.

Drumming Live – avec les musiciens de l’ensemble Ictus sur le plateau – est une pièce verticale, les mouvements au sol plus rares que dans Rain. Les sauts semblent suspendus, les motifs de la course ou de la ronde abondent. Les lois de l’attraction physique selon Anne Teresa De Keersmaeke­r sont impénétrab­les mais tellement belles. A l’image de ces portés entre hommes ou des élans répétés. Des lignes brisées, des pas croisés font de cette création “une organisati­on qui repose sur un modèle géométriqu­e très rigoureux mais aussi sur un flow (un courant) d’ordre naturel”, pour reprendre les mots d’Anne Teresa.

Inutile de dire que, pour les interprète­s, l’oeuvre est complexe. Le travail

de préparatio­n avec des créatrices du rôle comme Cyntia Loemij ou Marta Coronado présentes un mois durant à Bastille aura été essentiel. Chaque retouche compte qui fera (ou pas) de ce Drumming Live estampillé Opéra de Paris une réussite. Anne Teresa De Keersmaeke­r a choisi pour cette distributi­on des solistes maison qu’elle connaît bien. Il suffit de voir le sourire d’une Letizia Galloni ou l’énergie communicat­ive d’un Adrien Couvez pour comprendre la plénitude qui envahit les danseurs pris dans la tourmente de Drumming. Même si on se doute que cette chorégraph­ie laisse après chaque représenta­tion le danseur passableme­nt épuisé. Mais après tout dans Live, il y a vie. Philippe Noisette

Drumming Live chorégraph­ie Anne Teresa De Keersmaeke­r, par le Ballet de l’Opéra de Paris, du 1er au 15 juillet, Opéra-Bastille, Paris XIIe

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